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Androuet du Cerceau

Le poète des formes et théoricien de « l'architecture à la française »

Jacques Androuet du Cerceau 
1511/1519/1520 ? (Paris) - 1584/1586 ? (Montargis)

 

Originaire de l’Orléanais, Jacques Androuet du Cerceau est issu d’une famille spécialisée dans la négociation du vin. C’est d’ailleurs le motif de l’enseigne de la boutique de son père qui donne son nom à l’artiste. Il est fort probable que ce dernier est fréquenté l’école de Fontainebleau où il apprend la nouvelle technique de gravure à l’eau-forte. Inspiré par les inventions ornementales de Rosso Fiorentino, les recueils de dessins flamands représentant des éléments d'architecture très ornés et marqué par sa rencontre avec l’architecte italien Sebastiano Serlio, il se forme dans ce contexte artistique prolifique et réalise des gravures d’architectures qu’il édite dès 1540.
Du Cerceau est officiellement nommé architecte par François Ier en 1545 et ne quitte plus l’entourage royal où il bénéficiera du soutien de Catherine de Médicis et d’Henri II. [1]
Installé à Orléans entre 1546 et 1551, il revient à Paris où il demeure entre 1551 et 1561 « pour travailler sur l’architecture française, et publie deux Livres d’architecture en 1559 et 1561. Les tensions religieuses augmentent en France mais Du Cerceau, pourtant protestant, ne perd pas ses soutiens, même s’il se réfugie entre 1564 et 1585 chez Renée de France, à Montargis. C’est là qu’il commence à travailler sur Les plus excellents bâtiments de France, dont deux volumes paraissent en 1576 et 1579. Sa volonté est alors de célébrer l’architecture nationale. » [2] Homme aux multiples talents ; graveur, dessinateur, créateur d'ornements, inventeur d'architectures réelles ou imaginaires, Jacques Androuet du Cerceau a peu construit. Sa renommée est acquise avec la publication de ces deux ouvrages représentant les plus beaux bâtiments contemporains d'Ile-de-France et de la vallée de la Loire. Les livres sont conçus comme un hommage à la dynastie des Valois (Catherine de Médicis, Charles IX, Henri II) qui a rendu possible l’éclosion de multiples chefs-d’œuvre en dépassant le registre monumental de l’art antique. Si ces deux ouvrages présentent les plus célèbres monuments (le Louvre, Vincennes, Chambord, Blois, Amboise, Chenonceaux, Saint-Germain-en-Laye, Ecouen et Fontainebleau), ils permettent également de découvrir de nombreux châteaux aujourd’hui détruits et de mieux visualiser l’état ancien d’édifices transformés (Vallery, Verneuil-en-Halatte, Villers-Cotterêts, Creil, Coucy, Folembray, Montargis).
L’interprétation des dessins est toutefois à manier avec précaution puisque les édifices sont présentés sans chronologie ni hiérarchie visible, les modes de représentations sont très variés (vues à vol d’oiseau, élévations géométrales, élévations perspectives) et quelques invraisemblances s’observent généralement entre l’illustration donnée par l’auteur et la réalité de l’édifice. [3]
La qualité de l’ouvrage est toutefois à signaler puisque Jacques Androuet du Cerceau, coincé entre Paris et Montargis par les guerres de religion, n'a pas vu la plupart des édifices représentés, laissant les déplacements aux membres de son étude et se laissant la conception du dessin en tant que responsable de l'exécution.
Jacques Androuet du Cerceau meurt entre 1584 et 1586. Il laisse un héritage artistique de 1700 gravures et 1200 dessins dont aucun équivalent n’est connu à ce jour dans la production graphique de la Renaissance.[4] Trois de ses fils deviendront des architectes, ainsi que deux petits-fils, dont Salomon de Brosse (architecte de Marie de Médicis).


La période de la Renaissance en France, influencée par l'Italie, marque un renouveau dans l’articulation de la demeure et des jardins. Les aménagements paysagers s'ouvrent sur le paysage et utilise les caractéristiques de celui-ci (le relief et l’eau). Jacques Androuet du Cerceau laisse une place importante à la représentation des jardins dans ses ouvrages. Ses vues minutieuses permettent d'imaginer l'apparence de ces créations. 



[1] Jean Guillaume, "Androuet du Cerceau Jacques (1520-1586). Encyclopædia Universalis. http://www.universalis.fr/encyclopedie/androuet-du-cerceau-jacques-1520-...
[2] Article rédigé à l'occasion de l'exposition organisé au Château de Blois en 2014. https://www.histoire-pour-tous.fr/tourisme/3674-exposition-androuet-du-c...
[3] Exposition "Androuet du Cerceau (1520-1586), l'inventeur de l'architecture à la française ?", organisée à la Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris en partenariat avec l'Institut national d'histoire de l'art en 2010.
[4] 
Jacques Androuet du Cerceau, Les plus excellents bastiments de France, présentation et commentaires par D. Thomson, Paris, Sand & Conti, 1988.

 

Ses oeuvres représentées en région Centre-Val de Loire 
Les sites listés ci-dessous figurent dans les ouvrages publiés par Jacques Androuet du Cerceau entre 1576 et 1579. Le propriétaire n'est pas mentionné puisque l'architecte travaille alors pour la famille royale, en particulier Catherine de Médicis. Il ne s'agit pas là de savoir précisément s'il est intervenu mais de noter la qualité de son oeil d''architecte et de topographe, l'habileté de sa main et l'importance de son témoignage à la Renaissance.
Jacques Androuet du Cerceau est un bâtisseur de « palais de papier ».
 

28 - Dpt. Eure-et-Loir - Anet - Parc et jardins du château d'Anet - maisons particulières (possible intervention car l'architecte s'est rendu sur place).
Notice Mérimée [PA00096955] : Château et toutes les parties bâties et non bâties du domaine l'accompagnant, avec tous leurs aménagements, y compris les installations hydrauliques : classement par arrêté du 25 mars 1993.
Diane de Poitiers hérite du domaine à la mort de son mari, Louis de Brézé, en 1531. Le château est construit et modifié par Philibert Delorme dans les années 1547-1552. Jacques Androuet du Cerceau liste dans la description du domaine l'ensemble des aménagements présents : jardin dont le contenu des "parquets" est détaillé, galerie voûtée, fontaines, orangerie, volières, parc, bois, canaux, héronnière. "En somme, tout ce qu'on désirerait pour rendre un lieu parfait." 
Au 17ème siècle, l'aménagement des jardins est confié à Le Nôtre : communs supprimés, cryptoportique remplacé par des terrasses à degrés, creusement d'un canal dérivé de l'Eure. Dans la première moitié du 19ème siècle, les frères Bühler transforment les vestiges paysagers en parc dit à l'anglaise. 


37 - Dpt. Indre-et-Loire - Amboise - Parc et jardins du château d'Amboise - maisons royales (projet de jardins).
Notice Mérimée [PA00097503] : Château : classement par liste de 1840
Les aménagements réalisés à Amboise dévoilent une fusion entre la tradition médiévale française et la renaissance moderne italianisante. Jacques Androuet du Cerceau réalise des vues de la résidence royale vers 1560-1565. Le jardin de plan rectangulaire est structuré à partir des terrasses et du logis des princes, aujourd’hui disparu. Dix parterres sont alignés sur deux rangs et séparés en deux ensembles par une allée nord-sud. Un pavillon de treillage octogonal agrémente l’ensemble. Le jardin est entouré d’une galerie qui, d’après les sondages archéologiques réalisés en 1993, avait déjà disparu au moment où Jacques Androuet du Cerceau a réalisé ses dessins. Louis XII achève le chantier de Charles VIII et engage Pacello da Mercogliano pour la réalisation des jardins du château de Blois.


37 - Dpt. Indre-et-Loire - Chenonceaux - Parc et jardins du château de Chenonceau - maisons royales (possible intervention car l'architecte s'est rendu sur place à plusieurs reprises).
Notice Mérimée [PA00097654] : Château : classement par liste de 1840 ; Parc (également sur communes de Civray-de-Touraine et Francueil) : classement par arrêté du 7 novembre 1962.
Peu après la mort de François Ier, alors propriétaire du domaine, Henri II offre Chenonceau à sa favorite Diane de Poitiers par lettres royales en 1547. À partir de 1551, elle décide d’agrandir le domaine et les premiers travaux sont consacrés à l’établissement d’un jardin en terrasse sur la rive droite du Cher, à l’est du château, dit jardin de Diane. La tradition veut que Philibert de l’Orme, dont la présence est attestée à Chenonceau en 1556, soit l’auteur du dessin du jardin. Un an après la mort d’Henri II, Catherine de Médicis échange son château de Chaumont contre celui de Chenonceau « pour y accommoder des jardinages et autres choses de plaisir ». Elle entend utiliser les jardins comme la scène d’un théâtre fantastique où se déroulent fêtes et féeries. Pour concrétiser ses projets, des travaux sont effectués en 1561-1562 pour remettre en état les aménagements réalisés par Diane au nord-ouest du château et aménager de nouveaux jardins. Plusieurs dessins réalisés par Jacques Androuet du Cerceau, dont les nombreuses venues à Chenonceau sont certifiées, témoignent des aménagements projetés par la reine.  


41 - Dpt. Loir-et-Cher - Blois - Jardins du château de Blois - maisons royales (jardins disparus)
Notices Mérimée [PA00098337] : Château et ses anciennes dépendances : classement par liste de 1840.
                            [PA00098335] : Bains de la Reine dénommés aussi Pavillon d'Anne de Bretagne : classement par arrêté du 12 juillet 1886
Les jardins du château de Blois sont les mieux représentés par Jacques Androuet Du Cerceau avec pas moins de cinq planches gravées de plans, élévations et vues cavalières et six des dessins sur vélin conservés à Londres. Ces jardins sont construits à l’ouest du château, sur le flanc de la vallée de l’Arrou, de façon complètement indépendante de l’édifice et ordonnés sur trois terrasses.


41 - Dpt. Loir-et-Cher - Cellettes - Parc et jardins du château de Beauregard - maisons particulières (projet de jardins)
Notice Mérimée [PA00098404] : Château : classement par liste de 1840. Parc du château : les trois pavillons du 17e siècle, à l'exclusion de la construction postérieure adossée contre l'un d'eux, façades et toitures du corps de bâtiment des communs, face au château, et pavillon accolé au nord, parc et ses murs de clôture : inscription par arrêté du 8 septembre 1993.
En 1545, Jean du Thier, secrétaire d’Etat aux Finances du roi Henri II, fait l’acquisition du domaine. Les travaux entrepris entre 1553 et 1559 transforment Beauregard en l'un des grands châteaux du Val de Loire. Les plans de Jacques Androuet du Cerceau témoignent de cette époque, du moins pour le bâti. Du 17ème au 20ème siècle, plusieurs campagnes de travaux modifient l'ensemble. Un parc paysager est créé au 19ème siècle.


41 - Dpt. Loir-et-Cher - Chambord - Parc et jardins du château de Chambord - maisons royales (projets non réalisés)
Notice Mérimée [PA00098405] : Château : classement par liste de 1840. Domaine national incluant la totalité des sols et bâtiments à l'intérieur du mur d'enceinte, y compris celui-ci avec ses pavillons et entrées ainsi que le "tour d'échelle" : classement par arrêté du 2 avril 1997 modifié par classement du 22 janvier 1999.
François Ier décide de faire élever le château de Chambord à partir de 1519. Ses principales préoccupations concernent la domestication de la rivière du Cosson qui crée un environnement marécageux hostile ne « répondant en rien à la magnificence du bâtiment » (Jacques Androuet du Cerceau, 1576). Même si la présence d’un petit jardin potager est attestée, il n’existe pas de projet d’aménagement connu d’un jardin de la période Renaissance à Chambord. Jacques Androuet du Cerceau représente le château et tronque la réalité des grosses tours. Le bassin figurant sur la gravure de la façade nord de Chambord est une représentation fantasmée du projet de détournement de la Loire de François Ier, jamais réalisé. 
Il faut attendre le règne de Louis XIV pour voir la mise en œuvre de grands travaux destinés à valoriser les abords du château, notamment l’aménagement de jardins réguliers devant la grande façade de l’édifice. 
En 1682, Jules Hardouin-Mansart propose plusieurs projets pour ces jardins, dessine le tracé géométrique du parc et fait ériger les écuries du maréchal de Saxe. Un jardin dit « à la française » est planté sur une surface de 6,5 hectares, selon un dessin achevé en 1734. Entre le 19ème siècle et 1930, le domaine de Chambord devient la propriété d’Henri de Bourbon, petit-fils de Charles X, puis de ses neveux, les princes de Bourbon-Parme. Un jardin anglais est créé au cours du 19ème siècle. Le jardin régulier est conservé selon une structure simplifiée. Un projet de réaménagement complet est confié au célèbre paysagiste Achille Duchêne mais celui-ci n’est jamais réalisé. En 1970, seuls des espaces engazonnés sont visibles. Deux ans plus tard, les douves sont remises en eau. Des travaux de restitution du jardin dit « à la française » du 18ème siècle sont engagés en 2016 (plus de 600 arbres, 800 arbustes, 200 rosiers, 15 250 plantes délimitant les bordures, ou encore 18 874 m² de pelouses) sur une durée de cinq mois avant une ouverture au public le 20 mars 2017. 


41 - Dpt. Loir-et-Cher - Molineuf - Parc et jardins du château de Bury - maisons royales (jardins disparus)
Notice Mérimée [PA00098492] : Les vestiges du château : inscription par arrêté du 27 mars 1926.
Florimond Robertet, grand Conseiller et Argentier de plusieurs rois (Charles VIII, Louis XII et François Ier) fait construire le château de Bury au tout début du 16ème siècle. Le site est le précurseur des grands châteaux de la Loire des années 1515-1525 et figure, à ce titre, dans le recueil de Jacques Androuet du Cerceau. Les grands jardins en terrasses sont ordonnés selon un quadrillage rigoureux et ornés de formes géométriques. Abandonné au 17ème siècle, le domaine est actuellement en ruine et utilisé comme carrière de pierres.. 


45 - Dpt. Loiret - Montargis - Parc et jardins du château de Montargis - maisons royales (jardins disparus)
Notice Mérimée [PA00098822] : Château de Lorris (ruines) : classement par arrêté du 11 décembre 1908.
En 1559, la mort du duc de Ferrare conduit sa femme Renée de France à vivre dans sa seigneurie de Montargis. Dès son arrivée, elle entreprend d'importants travaux de rénovation du bâti et confie la direction de cette tâche, ainsi que celui de l'entretien du château, à Jacques Androuet du Cerceau. Il joue un rôle dans les travaux qui ont « enrichit [le château] d'aucuns nouveaux bâtiments, jardins et commodités » tels l'écurie, les « galeries de charpenterie du jardin ». Ce dernier a également réalisé pour la duchesse de Ferrare une carte de la forêt et une carte de la ville. La réalisation des jardins revient à l'italien Jérôme Teste : jardins d’agréments et jardins d'utilité encadrent le château comme le démontre les plans de du Cerceau. À la révolution, le bien national est acheté par la ville puis rétrocédé en 1791 au comte de la Touche-Tréville. En très mauvais état, le château est acquit en 1809 par Jean-Antoine Massé qui le démolit pour vendre des matériaux récupérés. Les restes du château ont été transportés dans le jardin public de l'hôtel de ville. 

 

Pour citer l'article : Charlène Potillion. Jacques Androuet du Cerceau (1511/1519/1520 ?-1584/1586 ?), Le poète des formes et théoricien de «l'architecture à la française». APJRC. 2019.