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Bühler

La renaissance du style paysager

Denis et Eugène Bühler 
Denis Bühler : 1811 (Lahr, Allemagne) - 1890 (Lausanne, Suisse)
Eugène Bühler : 1822 (Clamart) - 1907 (Paris)

 

 

 

Les frères Bühler sont issus d’une famille d’origine suisse installée en région parisienne au XVIIe siècle. Leur père, Jean-Daniel Bühler, est pépiniériste à Clamart. Denis développe très tôt ses aptitudes pour l’étude des végétaux et se forme au contact de la terre dans sa pratique de jardinier. Au décès de Jean-Daniel Bühler en 1837, Denis reprend la direction de la pépinière et envoie son frère Eugène étudier à l’Ecole royale d’horticulture de Versailles où obtient le diplôme d’architecte-paysagiste.
Les deux hommes « figurent parmi les principaux protagonistes de la dernière époque du style irrégulier des jardins en France, aux côtés d'Alphand et de Barillet-Deschamps, maîtres-d‘œuvre de la nouvelle politique des “espaces verts” décidée par Napoléon III et Haussmann, ou encore du théoricien Édouard André. » [1]
Près de 120 parcs et jardins leurs sont attribués. Ils travaillent autant pour l’élite politique et la noblesse (les familles La Rochefoucauld, Villeneuve, Puyvallée, Lassus, Mallet, etc.) que pour les notables locaux soucieux d’affirmer une réussite sociale par la mise en scène de leur propriété, ou encore la commande publique (Lyon, Bordeaux, Tours, Marseille, Bayeux, Béziers, Rennes). Dessinés dans le style paysager érigés en modèle officiel sous le Second Empire, les jardins publics sont le fer de lance des frères Bühler.
Reconnus pour leur conception de parcs traités à la façon de grands paysages, ils composent des scènes, ouvertes ou dissimulées, reliées par des allées spacieuses aux courbes très douces et des mouvements de sol. En bosquets, les arbres servent à encadrer des perspectives tandis que les plantations isolées attirent le regard pour leur intérêt botanique. L’une de leur spécialité correspond à l’engouement contemporain pour l’exotisme et les espèces acclimatées : séquoia, ginkgo biloba, cèdre, tulipier.

Un condensé de la méthode Bühler (par Michèle Quentin, Déléguée de l'APJRC) : 
Les frères Denis et Eugène Bühler sont de grands paysagistes du XIXe siècle, reconnaissables à la qualité du tracé de leurs plans et également par leur grande connaissance botanique qui leur permet de construire un magnifique décor paysager.
Le traitement de la lisière est très marqué. Le soin accordé à l’emploi de sous‐bois, caractérise l’empreinte Bühler. Les vues vers l’extérieur sont souvent occultées, au bénéfice de cônes de vues, vers le parc, subtilement agencés au cours de la promenade. Le sol est souvent très bien modelé. De larges allées, sinueuses et très souples, forment une large ceinture dans le parc.
Les Bühler dessinent leurs allées et les orientent de manière à ce que le promeneur ne soit pas gêné par la lumière du soleil et que l’oeil soit attiré vers des scènes aménagées qui évoluent au fur à mesure de la promenade.
On retrouve également la subtile organisation, propre aux Bühler, des articulations d’allées. Les principaux carrefours sont amples et toujours bordés de bosquets d’arbres. Les Bühler alternent couvert et découvert avec rythme et sensibilité.
Les arbres caducs et les résineux sont utilisés par groupes impairs, encadrant ou soulignant les points de vue. La disposition de bosquets laisse deviner des cônes de vue.
L’élégance des plantations est manifeste, on retrouve une vraie recherche botanique, ce sont des arbres d’agréments, majestueux, souvent récemment introduits mais surtout remarquables dans la composition d’ensemble.
Au plaisir de la déambulation s’ajoute une promenade subtilement orchestrée comme une découverte paysagère avec des mises en scène renouvelées, avec souvent une double lecture au cours du parcours,  des contrastes de lumière et des jeux de profondeur. Car on remarque avant tout un jardin Bühler par son harmonieuse conception d’ensemble et la qualité de ses plantations.


Sources : 
Louis-Michel Nourry, "Denis et Eugène Bühler", in Céateurs de jardins et de paysages en France du XIXe siècle au XXIe siècle, sous la direction de Michel Racine, Tome II, Actes Sud/ENSP, 2002.
[1] Monique Mosser, « BÜHLER Denis (1811-1890) & Eugène (1822-1907) », Encyclopædia Universalis [en ligne].

Leurs oeuvres en région Centre-Val de Loire 
 

Sur l'ensemble important de parcs et jardins réalisés par les Bühler en région Centre-Val de Loire, seuls les exemples manifestes les plus détaillés sont présentés ci-dessous. Une liste de leurs interventions est communiquée en fin de page. 


28 - Dpt. Eure-et-Loir - Auneau-Bleury-Saint-Symphorien - Parc du Château d'Esclimont - 1867 - Eugène Bühler - pour Sosthène II de La Rochefoucauld (réalisation)
Le ministre des Affaires Culturelles André Malraux classe le parc du Château d’Esclimont au titre de la protection des sites et des monuments naturels le 23 décembre 1965. 
Erigé en 1543 sur une ancienne forteresse médiévale du Xe siècle, le château est successivement propriété de l'archevêque de Tours, des familles Hurault, Bullion, Montmorency-Laval et de La Rochefoucault. Au début du XVIIIe siècle, le parc et les jardins sont ordonnés dans un style régulier : l'analogie avec le parc du château de Versailles se retrouve dans le tracé du bois, appelé « bois Colbert », avec ses 8 allées rayonnantes formant une étoile. Des transformations sont apportées au château en 1865. Les frères Henri et Clément Parent, élèves de Viollet le Duc, ajoutent un décor de style "Renaissance troubadour" aux façades. Vers 1867, Sosthène II de La Rochefoucauld engage Jean-Pierre Barillet-Deschamp et Eugène Bülher afin de métamorphoser le parc en jardin paysager. Il dessine devant le château une « petite Suisse » avec monticules, des allées tournantes et pont arqué dit « rustique », enjambant un bras de la rivière. Il fait abattre les alignements d’arbres pour les remplacer par des bosquets plus romantiques. Certains de ces aménagements sont supprimés en 1908 (suppression des monticules de la « petite Suisse ») lorsque Edouard de La Rochefoucauld décide de reconstruire en partie l’ancienne disposition régulière.


36 - Dpt. Indre - Azay-le-Ferron - Parc du Château d'Azay-le-Ferron1870/1872 - Denis Bühler - pour Alfred Luzarche (réalisation) 
Notice Mérimée [PA00097268] : Le château et son parc : classement par arrêté du 25 janvier 1950. 
Résidence principale des seigneurs de la baronnie de Preuilly de 1629 à 1791, le château d’Azay-le-Ferron se voit doté de jardins dès le XVIIe siècle. En 1856, Alfred Luzarche fait appel au paysagiste Denis Bühler pour dessiner le plan d’aménagement d'un parc à la nouvelle mode paysagère. Il précise les essences d’arbres à introduire (tilleuls argentés, chênes rouges, marronniers, magnolia, liquidambar, Sequoiadendron giganteum, bosquets de cèdres bleus, etc. ) dont la plupart sont encore en place aujourd’hui. Son style est caractéristique : allée de ceinture contournant le parc, chemins sineux ombragés pour la promenade, alternance de couverts boisés avec des prairies découvertes. L’ampleur de la réalisation, entre 1870 et 1872, est toujours visible de nos jours.
Pour en savoir plus 

 


37 - Dpt. Indre-et-Loire - Tours - Jardin des Prébendes d'Oë
 - 1871/1874 - Eugène Bühler - Ville de Tours (réalisation)
Le jardin des Prébendes d’Oé est aménagé sur un site marécageux autrefois occupé par des potagers, dont les revenus, nommés prébendes, étaient sous l’Ancien Régime, versés au prévôt d’Oé. Dans le but d’assainir le nouveau quartier et d’y attirer une population aisée, la municipalité d’Ernest Mame décide de la création d'un jardin public. Le projet est lancé en 1864 : un jardin permettrait de satisfaire les riverains avec un espace vert moderne et de niveler le sol d’une parcelle non-constructible. Le plan du jardin est confié à Eugène Bühler qui imagine autour d’une pièce d’eau centrale un parc paysager typique avec des perspectives, des bosquets et des spécimens exotiques isolés. Le jeu de couvert et de découvert fait alterner bosquets encadrant des vues spécifiquement créées par Bühler et des arbres isolés attirant l’œil de l’amateur vers les espèces remarquables et exotiques : séquoias, ginkgos, cèdres, tulipiers, etc. Les travaux débutent en 1871 et s'achèvent avec l'ouverture au public en 1874. Le paysagiste soignera l'évolution du jardin puisqu'il le visite en 1884 lors de l’ajout d’une parcelle au sud ouest et conseille les jardiniers de la Ville pour les replantations et l’entretien du site. Ilot de verdure au cœur d’un quartier urbanisé, le jardin s’enrichit de fabriques : un kiosque à musique à la fin du XIXe siècle, un kiosque rustique et des œuvres d’art en hommage aux grandes personnalités tourangelles.


28 - Dpt. Eure-et-Loir : 
Château d'Anet

36 - Dpt. Indre :
Château de Valençay 

37 - Dpt. Indre-et-Loire : 
Jardin de l'ancien Archevêché - Tours 
Château d'Ardrée - Saint-Antoine-du-Rocher (Famille Mame)
Château de Beaurepaire - Chanceaux près Loches (Famille Mame)
Domaine du Breuil - Monts
Château de Cangé - Saint-Avertin

La Commanderie - Ballan-Miré
Château de la Croix-Montoire - Tours
Jardin François Sicard (Municipalité Mame)

La Grenadière - Saint-Cyr-sur-Loire
Château de Leugny - Azay-sur-Cher

Château de Montgoger - Saint-Epain
Jardin du Musée des Beaux-Arts - Tours 

Château des Touches - Ballan-Miré (Famille Mame)


Pour citer l'article : Charlène Potillion. Denis (1811-1890) et Eugène (1822-1907) Bühler, La renaissance du style paysager. APJRC. 2020