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Porto et la Vallée du Douro, voyage annuel de l'APJRC - mai 2014

Cette région étonne par sa diversité et ses terres authentiques. Le Douro se jette dans l’Océan atlantique près de Porto. Les jardins les plus impressionnants se trouvent dans le nord de ce pays, l’influence baroque, la présence abondante de l’eau et la douceur océanique du climat font de ces sites des lieux étonnants, où le camélia règne en maître, jetant ses mille feux dès le mois de mars.

Direction le Portugal : Porto et la vallée du Douro
Voyage annuel de l’APJRC, du mercredi 21 au samedi 24 mai 2014

Avec la participation de Mondes & Merveilles

© APJRC / Michèle QUENTIN diaporama de photos sur notre bulletin page 16
© Photographies: Bernard Boudin et Claire Portevin

Cette région étonne par sa diversité et ses terres authentiques. Le Douro se jette dans l’Océan atlantique près de Porto. Il coule entre les vignobles, témoin privilégié de tous les secrets de la fabrication du vin de Porto, élaboré dans les quintas, fermes viticoles qui bordent son trajet.

Une météo incertaine ne nous inquiétait pas, blasés du temps exécrable qui sévissait sur notre territoire… Fort heureusement, nos ponchos et parapluies ont peu servi et un soleil bienfaisant s’est vite installé dans le ciel portugais. Les jardins les plus impressionnants se trouvent dans le nord de ce pays, l’influence baroque, la présence abondante de l’eau et la douceur océanique du climat font de ces sites des lieux étonnants, où le camélia règne en maître, jetant ses mille feux dès le mois de mars.

LA QUINTA DO ALAO
Ce jardin des XVIIe et XVIIIe siècles est installé sur trois terrasses qui dévoilent au visiteur différentes ambiances, sur 3,5ha. Devant la maison, le jardin formel s’agrémente de plantes fleuries, bulbes et annuelles, au cœur des bordures de buis. Nous découvrons nos premiers Watsonia, grande plante bulbeuse de la famille des Iridaceae, endémique des plateaux d'Afrique du Sud et de Madagascar. Le nom du genre a été donné par Sir William Watson, botaniste au XVIIIe siècle. Les hampes érigées portent de remarquables épis de fleurs horizontales communément orangées, mais également blanches, roses ou rouges suivant les hybrides.
Au delà, la végétation se fait plus sauvage, avec de nombreuses azalées au pied de vénérables camélias dont certains furent les premiers introduits dans les jardins portugais, comme en témoigne l’impressionnant diamètre de certains troncs. Le jardin a une influence italienne baroque due au peintre et architecte Nicolau Nazoni qui y a travaillé au XVIIIe siècle. Ses réalisations les plus connues sont à Porto les fresques de la cathédrale, le projet de façade du Palais épiscopal et le Palais de Freixo, également la partie centrale du Solar de Mateus, que nous visiterons le lendemain. La «patte» de l’architecte se retrouve au niveau de la terrasse supérieure, exhibant une décoration théâtrale des murs du jardin avec une fontaine baroque le long d'un axe central. Un Ficus pumila tapisse élégamment les murs de son feuillage vert sombre et délicat.
L’eau est omniprésente dans le jardin, les bassins de pierre ont tous une forme différente. Un chemin labyrinthique traverse, tour à tour, des bois épais tourmentés par d'impressionnantes accumulations rocheuses, puis des vallées tropicales aux fougères arborescentes. Près de la maison, une ravissante glycine court sur toute la longueur du jardin, rivalisant avec de nombreux rosiers.
Une quinta qui nous dévoile ses derniers atours avant d’être engloutie dans l’environnement funeste de routes et d’usines.

LE PARQUE DE SERRALVES
La casa de Serralves, vaste propriété au coeur de Porto, est l’une des maisons « modernistes » les plus importantes du Portugal, construite entre 1925 et 1944 pour un mécène, Carlos Alberto Cabral, 2ème comte de Vizela.
Le parc de Serralves est l'écrin de cette maison, classée d'intérêt public, unique au Portugal et en Europe, et du Musée contemporain de Serralves conçu par l'architecte Siza Vieira.
Le parc de 18 ha se compose de jardins formels, d’une roseraie, d’un lac romantique, de forêts et de terrains agricoles. La partie Art déco, conçue entre 1932 et 1940, est l’œuvre de l’architecte et urbaniste français Jacques Gréber, renommé pour ses grands projets urbains aux Etats-Unis et au Canada, mais également pour les réalisations, dans un style moderne, de nombreuses commandes privées. C’est donc outre-Atlantique que Greber développe une carrière très originale d’architecte-paysagiste-urbaniste franco-américain.
Dès 1920, il enseigne à l’École des hautes études urbaines, qui deviendra en 1924 l’Institut d’urbanisme de Paris. Il y enseignera jusqu’à sa mort à 80 ans. Il continue parallèlement à exercer ses talents de paysagiste. La base de données Mérimée recense 61 fiches concernant ses œuvres en France. On lui doit les jardins du Trocadéro à Paris, en 1937, ainsi que des restaurations et créations de jardins privés en Europe.
À Serralves, le jardin très moderne reste lié à l’architecture de Charles Siclis et de Marques da Silva; les parties minérales sont traitées en rose dans la même couleur que la villa. Celle-ci est située sur le point le plus haut de la propriété et semble s’ouvrir sur les jardins et le vaste parc. Les matériaux rigoureux et la qualité architecturale rivalisent avec l’apparat du dehors et du dedans. Les aménagements intérieurs sont confiés aux meilleurs artistes de l’époque, Leleu pour la décoration, Ruhlmann pour le mobilier et Lalique pour les verreries, on choisit Greber pour les jardins. L’ensemble montre une parfaite intégration des Arts de construire dans un style commun.
C’est le seul jardin construit au cours de cette période par un particulier au Portugal, sur la base d'un projet d'architecture de paysage.
Devant la maison, le jardin principal s'étend le long d'un axe de 500 m, sur plusieurs terrasses, rythmé par un canal central menant à la rocaille et à une pièce d’eau. Ce ruisseau canalisé alimente un parcours de fontaines, de chutes d’eau et de bassins géométriques qui débute dans une grotte souterraine et aboutit à un bassin octogonal orné d’une fontaine surélevée en forme de lotus.
Le paysage s’ouvre devant soi, imposant et ce n’est qu’au dernier moment que la vue plonge sur le lac romantique en contrebas. La pente rocheuse et une cascade, deux constructions artificielles, révèlent le talent du paysagiste par la maîtrise dans leur composition d’une découverte d’un autre monde. La descente s’effectue par un escalier puis par un étroit sentier bordé de végétation luxuriante. La raison s’estompe pour laisser place aux sentiments bucoliques et à la nature retrouvée. Seul un banc recouvert de céramiques jaunes portugaises, situé sur la rive sud à l’ombre d’un orme japonais, témoigne de la présence de l’homme dans cette composition.
Le parc de Serralves abrite également une grande diversité végétale, recensant un riche patrimoine naturel de 4000 spécimens de plantes ligneuses indigènes et exotiques, représentant environ 200 espèces et variétés. Nous admirons de remarquables sujets en parcourant la somptueuse allée de Liriodendron tulipefera qui mène à la roseraie. Plus loin, nous pouvons admirer les boisements des grands eucalyptus et des sequoias géants.


LA VALLÉE DU DOURO

LE SOLAR DE MATEUS
Nous prenons la route vers la vallée du Douro, en direction de Vila Real pour la visite du Solar de Mateus. Dans une région de vignes, de vergers et de châtaigniers, et à proximité du village de Mateus, se trouve l’un des plus beaux palais baroque du Portugal, érigé dans la première moitié du XVIIIe siècle. Construit sur des plans réalisés en 1732 par l’architecte italien Nicolau Nazoni, ce palais est le symbole même de l’art baroque d’influence italienne, avec une abondante richesse de la décoration: traverses, frontons, pinacles et exubérantes statuaire, encadrements de granit avec coquille, en courbes contrastant avec les droites des escaliers, corniches surmontées de statues… Selon Robert Smith, spécialiste de l’œuvre de l’architecte, celui-ci se serait consacré à la réalisation de la façade centrale du palais et à sa décoration de 1739 à 1752. Le plan du bâtiment s’inscrit dans un rectangle divisé en deux carrés vides au centre, répartis en plusieurs ailes et formant deux patios liés entre eux par de grandes ouvertures au rez-de-chaussée. L’accès à l’étage noble se fait par des doubles escaliers qui se répètent sur les façades transversales des deux patios, accentuant la symétrie et le mouvement baroque de toute l’ornementation. Cette disposition permet un axe central de perspective qui traverse toute la construction, lui conférant une expression très harmonieuse.
L’entrée de la propriété se fait par un chemin courbe noyé dans un bois de chênes et de châtaigniers, débouchant sur un bassin, le «lac», construit dans les années 1950. On découvre alors la surprise et l’enchantement à l’approche du château, dont les ornements architecturaux se reflètent dans le grand miroir d’eau géométrique bordé d’hortensias et de bergénias. Plantés en 1870, deux imposants Cedrus deodora et Chamaecyparis lawsoniana apportent de l’ombre à l’édifice et au lac.
Les jardins s’articulent au sud et à l’est des bâtiments, se déroulant en une suite de parterres de buis, de style portugais puis de style français avec des arabesques et de subtiles formes géométriques, agrémentés de rosiers, de plantes fleuries et de camélias séculaires. Dans les premiers jardins latéraux, de hautes «quadriarcatures» de buis aux croisements des allées sableuses apportent une note architecturale puissante à la platitude du terrain.
Les vestiges les plus anciens des jardins sont attribués par tradition à Diogo Bothelo Mourao, commanditaire de Mateus. Situés à l’est, ils prolongent l’axe central de perspective du château par un large escalier et suivent une pente douce, organisés en terrasses et parterres. L’ensemble débouche sur le jardin inférieur accessible par un tunnel de verdure impressionnant, transition théâtrale époustouflante vers les vergers et les terrains agricoles au sud. La grande curiosité du parc de Mateus est ce remarquable tunnel de Cupressus lusitanica, long de près de cinquante mètres. Il est si haut qu’il couvre l’escalier qui descend vers le jardin inférieur. Il procure une fraîcheur surprenante et une ombre si dense qu’il y fait presque noir. Il continue de façon magistrale l’axe central de la perspective qui traverse tout l’ensemble du domaine.
De chaque côté se trouvent des petits jardins, composés de parterres, de topiaires, de bassins, de romantiques scènes fleuries, mais aussi jardins de buis, comme autant de découvertes bucoliques et raffinées vers lesquelles on se sent attiré.

JARDIN DE LA CASA DU JUSTE
Au nord de Porto, près de Lousada, se trouve un manoir du XIVe siècle complétement restauré et aménagé pour recevoir des hôtes. Les topiaires font la renommée de ce site, considéré comme l’un des plus beaux jardins du nord du Portugal.
C’est ici que nous remarquons pour la première fois un étonnant arbuste, que nous retrouverons dans d’autres jardins. Brunfelsia uniflora (Pohl) D.Don, 1829, une Solanaceae qui se présente sous la forme d’un arbrisseau très ramifié, au port dressé et évasé. Ce genre comprend environ 45 espèces qui sont originaires d'Amérique tropicale et des Caraïbes, et largement introduites en Afrique du Sud.
En Amérique du Sud, «Manacá» est respectée comme une plante sacrée au fort pouvoir médicinal. Stimulant du système lymphatique mais également ancien remède contre la syphilis, en remplacement du Mercure, d’où son surnom local de «Mercure végétal».
Les feuilles abondantes alternes sont entières, lancéolées et acuminées à base cunéiforme. Elles sont portées par un pétiole de 4 à 6 mm et demeurent persistantes dans les régions aux hivers peu marqués. La plante (zone 8) est surtout cultivée pour son intrigante floraisonprintanière : les fleurs changent de couleur au fur et à mesure de leur épanouissement, d'où son autre appellation vernaculaire " hier-aujourd’hui-demain ". Elles sont dans un premier temps violet, puis dans un second temps elles passent par un violet plus clair pour finir de la couleur blanche. Ce changement de couleur donne à l’arbuste un aspect particulièrement esthétique et attrayant.
Notre sympathique et enthousiaste guide nous entraîne dans une grande découverte de son domaine, des premiers jardins intimes et structurés près de la maison aux nouvelles plantations périphériques. Avec l’aide de deux jardiniers, le propriétaire entretient dix chambres de verdure et un vaste espace agricole. De nombreux bénévoles sont également accueillis chaque année pour aider «au jardin». Ainsi, les espaces végétalisés font un lien naturel entre l’antique casa et le paysage environnant.
Notre visite est suivie d’un déjeuner sur place, frais et délicieux car ici, on donne aussi des cours de cuisine…

LA QUINTA DE SANTO INACIO
Bizarre, notre car s’arrête devant un parc animalier! Des panthères des neiges, des lémuriens de Madagascar, des tortues des Galápagos, des lièvres de Patagonie, des kangourous d'Australie et moult autres animaux différents de ceux que nous voyons habituellement se trouvent dans ce parc spécial, qui abrite de l’autre côté une des plus intéressantes collections botaniques que nous ayons visitée durant notre périple.
Nous pénétrons dans une vaste et élégante cour, découvrant la maison qu’encadrent les communs. Érigée au XVIIIe siècle, cette quinta privée tenait lieu de villégiature aux van Zeller, dont la famille issue des Pays-Bas acquiert une réelle renommée au XIXe siècle en développant le commerce international du vin de Porto.
Le jardin est très important dans l’histoire des camélias au Portugal puisque ceux-ci ont été importés officiellement dans le pays par Francisco Van Zeller (1774-1852), entre 1808 et 1810, et ont été plantés dans ce jardin où il est encore possible de les admirer aujourd’hui. 300 variétés dont beaucoup portent le nom de la famille!
Pour arriver sur les lieux de l’histoire imaginée autant que la véritable, il faut traverser le jardin formel et pénétrer dans le jardin romantique sous les frondaisons des arbres séculaires. Près des allées et des sentiers, à l’ombre des chênes, des eucalyptus et autres raretés australes, les camélias sont toujours là, sur de vieux troncs illustres, dans une forêt en mouvement. Une collection de rhododendrons les accompagne, plantée au XIXe siècle. Puis ce sont les hydrangeas qui prennent le relais, déclinant leurs reflets bleutés dans cette terre fertile et acide.
Le XIXe siècle devient le siècle de l’horticulture en Europe. Le premier salon de l’agriculture a lieu à Porto en juillet 1857. Roberto van Zeller (1815-1868) est l’un des administrateurs de la Société d’Agriculture de Porto. Il correspond également avec de nombreux botanistes étrangers ce qui lui permet d’introduire de nombreuses espèces dans le jardin de Santo Inacio. En 1870, il y plante un Eucalyptus amygdalina et un Eucalyptus obliqua dont le plus impressionnant des sujets se trouve aujourd’hui devant nos yeux.
E. amygdalina est une espèce endémique de Tasmanie et d’Australie, décrite en 1806 par le botaniste français Jacques-Julien Houtou de La Billardière, qui l’a découverte lors d’une expédition en 1792. L’arbre, appelé communément «noir menthe poivrée», est courant dans son habitat tasmanien, poussant dans les forêts sèches. Quant à l’E. obliqua, c’est la première espèce d'eucalyptus découverte et publiée. Très grand arbre originaire du sud-est de l’Australie, il est recueilli pour la première fois en 1777 par le botaniste David Nelson, lors de la troisième expédition de James Cook. Ce spécimen est envoyé au British Museum à Londres où il est examiné par le botaniste français Charles Louis L’Héritier de Brutelle (à l’époque à Londres pour une sombre histoire de collection botanique «usurpée», je vous raconterai l’histoire rocambolesque une fois prochaine… pour information, on doit à L’Héritier la distinction entre les trois genres Geranium, Pelargonium et Erodium). Revenons à notre eucalyptus. À Londres, L'Héritier utilise ce specimen comme type d'un genre nouveau qu'il publie en 1788. Il nomme ce genre Eucalyptus du grec «eu» («bon, bien») et «calyptos» (« couverts ») en référence à la capsule qui recouvre le bourgeon floral.
En 1870, ce sont donc des espèces exotiques à la mode que Roberto van Zeller cultive dans son parc. Le terrain et le climat semble convenir à l’Eucalyptus obliqua qui, 144 ans après, nous impressionne par sa splendeur monumentale. Imaginez un arbre très droit de 50m de haut, avec une circonférence de 8,15m à 1,30m du sol et dont le tronc représente un volume de 90m3. L’effet est saisissant! Son «cousin», planté non loin, mesure un peu plus de 40m de haut et possède une circonférence du tronc de 5,80m. Il nous semble bien petit…
Le temps nous manque pour découvrir toutes les raretés de ce parc. Nous retournons vers la quinta, parcourant une suite de jardins particulièrement bien fleuris. Nous y retrouvons nos plantes fétiches: Watsonia et Brunfelsia uniflora.
Notre hôte, qui parle un français remarquable, nous fait visiter l’intérieur de la quinta. Elle n’est plus habitée depuis des années, rien n’a bougé, ce qui me met mal à l’aise. J’aimerais entendre le bruit des conversations dans la grande salle à manger, voir le passage du maître d’hôtel apportant le vin de Porto, lorsque tous les convives se levaient de table et passaient dans la deuxième salle à manger, contiguë, pour y prendre le dessert et déguster la boisson locale. Quel raffinement et quel luxe!
Des fenêtres, les vues sur le jardin sont particulièrement belles. Du 1er étage de la maison, on imagine comme un tapis volant la floraison des camélias, fleurs joyeuses et effrontées s’élevant parfois à plusieurs mètres. Ils doivent briller jusqu’en avril et même jusqu’à mai, jouant avec la sobriété élégante de la quinta.
La lumière dans ce jardin décline toutes les nuances d’un poème.


LE MINHO

DOM JESUS

Après le petit déjeuner, nous prenons la route en direction de la ville de Braga, capitale du Minho, pour la visite du Bom Jesus.
Le sanctuaire, de style baroque, se compose de la grande église sur le haut de la montagne, d’un escalier monumental accroché à la pente, sur un déniveléde 116m: «la Voie Sacrée de Bon Jésus», se continuant tel un sentier jusqu’au bas de la montagne, en zigzaguant au travers de la forêt et plus discret entre les feuillages de l’épaisse végétation environnante.
Lorsqu’on arrive à mi-chemin entre le pied de la montagne et son sommet, on a trois possibilités pour arriver plus haut au sanctuaire. On peut continuer par la route en lacets, on peut prendre le funiculaire hydraulique centenaireou prendre l’escalier sous le portail d’entrée encadré de deux fontaines, ce qui est la voie à suivre pour tout pénitent, gravir à genoux la rampe mystique…
Chaque marche gravie symbolise un degré supplémentaire d'élévation spirituelle. Le pèlerin grimpe à flanc de colline par le sentier pavé, ponctué d’une chapelle à chaque virage. Le long de ce Chemin de Croix, chaque chapelle abrite une scène réaliste de la Passion du Christ, avec des personnages en terre cuite, grandeur nature.
Après s'être recueilli devant les quatorze stations, le pèlerin se trouve face à une impressionnante construction architecturale, dont les murs blanchis à la chaux soulignent la progression des rampes de granit. Les escaliers monumentaux, édifiés entre 1723 et 1811, sont l'élément le plus spectaculaire du sanctuaire. Ils sont divisés en deux parties, l'escalier des Cinq sens et l'escalier des Trois vertus. Le premier présente une double rampe croisée et forme cinq paliers, tous agrémentés d'une fontaine murale évoquant successivement les cinq sens, symboles des plaisirs terrestres. Sur les côtés, des niches abritent des représentations grandeur nature de personnages de l'Ancien Testament. Les vertus de l’escalier suivant sont la Foi, l’Espérance et la Charité, symbolisées dans le jaillissement des fontaines. La dernière terrasse, dite de la cascade, permet d’accéder à l’ultime étape, le pèlerin découvre alors l’église. Celle-ci a été conçue par l'architecte Carlos Amarante, à la demande de l'archevêque Dom Gaspard de Bragance. Les travaux durent 37 ans, de 1784 à 1811. La façade néoclassique, tournée vers la ville, est flanquée de deux tours et se termine par un fronton triangulaire.
Notre pèlerin est arrivé au bout de son escalade spirituelle. Purifié par cette ascension divine, il est apte à pénétrer dans la maison de Dieu et assurer le salut de son âme.
Nous faisons le trajet à l’envers, néanmoins nous en garderons un souvenir exceptionnel.

LE MONASTÈRE DE SAO MARTINHO DE TIBAES
Le monastère de Saint-Martin de Tibães, ancienne maison mère de la Congrégation bénédictine au Portugal et à la colonie brésilienne, est situé dans le nord du pays, à 6 km au nord-ouest de Braga.
On retrouve les traces d’un premier établissement monastique vers 1110 mais c’est à partir du XVIe siècle que la renommée de l’institution prend racine. La première réunion générale de l'Ordre se passe à Tibães en 1570. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, le monastère devient un site à l'activité artistique considérable, son architecture et sa somptueuse décoration baroque et rococo exercent une influence éclairée sur l’art du Nord du Portugal et les colonies d'outre-mer. Les moines de Tibães, avec de très grands moyens, entreprennent la construction de nouveaux bâtiments et augmentent l’espace conventuel. Ils bâtissent de vastes espaces, aux plafonds polychromes sculptés, dans un décor de panneaux d'azulejos et de bronzes dorés. L’église du monastère, érigée entre 1628 et 1661, est considérée comme l’une des plus grandioses du Portugal. Selon l’historien d’art Germain Bazin, les artistes du Nord ont exprimé ici «le véritable sentiment baroque du Portugal».
Ce magnifique cadre de vie monastique, auquel un décret met fin en 1833, passe aux mains de propriétaires privés par une vente publique en 1864. Mais ceux-ci n’ont pas les moyens nécessaires à l’entretien d’une telle propriété couvrant 40ha. Abandonné pendant des décennies, le monastère devient une propriété de l'Etat en 1986. L’édifice est remarquablement restauré entre 1994 et 2009, grâce au projet de réhabilitation par le Fonds européen de développement économique et régional (FEDER). Les travaux ont donc été achevés récemment.
Le jardin est en cours de restauration. Car si le domaine avait nécessairement une vocation vivrière classique, il était également un lieu d’expérimentation de nouvelles techniques avec des moulins pour les céréales, des «mécaniques» pour la scierie, un pressoir pour l‘huile d’olive. Parallèlement, de part sa fonction première, le monastère était un lieu de méditation, de travail intellectuel, de lecture et de repos. Le jardin reprend ces fonctions. La plupart des espaces sont dessinés au XVIIIe siècle ; les moines organisent la nature en fonction de leurs nécessités mais aussi de leurs désirs artistiques. Ils exploitent les potentialités scénographiques du terrain pour construire le grand escalier taillé dans la colline rocheuse, image de la montée vers le ciel. En haut se trouve une ravissante chapelle blottie dans la végétation. A partir d’un grand bassin elliptique, l’eau se déverse dans une série de fontaines sculptées dans l’axe central de l’escalier, provoquant une musique céleste qui guide le moine dans sa promenade et sa réflexion, à la lumière d’une esthétique baroque. Le long des escaliers, quelques traces sur les murs latéraux indiquent qu’ils étaient recouverts à l’origine d'azulejos.
Les moines bénédictins ont adapté la nature aux besoins de leur vie quotidienne. Le verger se décline en terrasses, des vignes grimpantes partent à l’assaut des arbres, des treilles agrémentent les chemins. Des buis bordent les espaces, un banc en azulejos invite à la méditation. Des allées sillonnent la futaie de chênes, l’une d’elle mène à un lac circulaire agrémenté d’une cascade finement ouvragée, témoin de l’opulence passée de l’ordre monastique.

JARDIN DE LA CASA DO CAMPO
Notre dernière visite-jardin nous mène à la Casa Do Campo, près de Celorico de Basto, dans le district de Braga. Dans un environnement agricole et viticole, le bâtiment érigé au XVIIe siècle est un héritage vivant des générations passées. Il semble posé en harmonie avec le paysage et les traditions des Terres de Basto.
La chapelle de la maison, datée de 1763 et construite dans le style Renaissance, abrite la padoeira, Nossa Senhora da Abadia. Depuis son origine, elle a le privilège de garder le Saint-Sacrement et est graciée chaque année avec une procession.
Les jardins reflètent la tradition des "Casas de Fresco", les maisons de frais, zones de repos en dur ou en végétal, agrémentées d’une fontaine ou près d’une source, lieu de prédilection pour la conversation ou le repos durant les grandes chaleurs. Cet esthétique particulier des jardins du Nord subsistera jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Dans la deuxième cour se trouve une première expression de l'art topiaire qui se manifeste dans le nord du Portugal dès l’introduction du Camelia japonica vers la ville de Porto à la fin du XVIe siècle. Ici, ce sont d’énormes champignons qui se couvrent de fleurs dès janvier. A l’époque, ce végétal devient l´apanage des riches familles de la région du Minho. Sa croissance vigoureuse en arbre nécessite alors une taille précise et régulière pour contrôler son développement tout en lui laissant son expression florale. Ainsi nait cet art de «la sculpture de verdure», typique de la région.
Le jardin supérieur, accessible par un escalier dans la cour et par une passerelle partant du 1er étage de la maison, est un lieu intimiste, fermé sur lui-même, ceint de hauts murs et rafraîchi par la présence de l'eau. L'espace est divisé en huit parterres disposés autour d’une fontaine centrale et délimités par une double bordure de buis. L’ensemble est complété par des camélias séculaires conduits en cylindres, anneaux, parasols, arches, dômes et maison au toit pointu, avec portes et fenêtres ! Un jardin baroque surprenant, avec ses recoins et ses ombres, où les immenses camélias, considérés comme des plus anciens du Portugal, nous étonnent par leur grandeur et leurs formes taillées.


FIN DU VOYAGE 
Notre périple se termine par une visite guidée de Porto. À l’embouchure du Douro, la ville historique s’étage sur les collines dominant le fleuve. Sa croissance continue, liée à l’activité maritime, lui a donné une renommée internationale. Le vin de Porto connaît dès le XVIIe siècle un grand succès en Angleterre. Traditionnellement, les fûts de porto devaient être transportés par bateau (les rabelos) jusqu'à Vila Nova de Gaia, où se trouvaient les principales sociétés de vente de porto. Aujourd’hui, les grandes compagnies de négociants sont une quarantaine, possèdent plus de 200 marques et représentent 90 % du marché.
Des ponts enjambent le Douro et offrent des vues spectaculaires sur le fleuve et la ville. Un bateau propose la « croisière des six ponts ». Certains, emblématiques, sont classés Monument National, tel le pont Maria Pia, conçu par Gustave Eiffel.
La cité a conservé beaucoup de bâtiments médiévaux, néoclassiques et baroques…
Pour les fans de Harry Potter et pour se replonger dans l’ambiance fantastique de la série, la visite de la librairie Lello est incontournable. On peine à se frayer un chemin parmi les touristes qui entrent et sortent de l’endroit mythique, mais l’impression est celle de pénétrer dans un musée, un lieu sacré. Cette magnifique librairie de style néo-gothique, inaugurée en 1906, est considérée comme «l'une des plus belles librairies dans le monde».
J.K. Rowling a vécu à Porto pendant quelques années au début des années 1990 en tant que professeur d’anglais avant d’écrire Harry Potter. Quel meilleur exemple que le cadre magique et le somptueux escalier en bois à double volée de la librairie pour servir de modèle à la bibliothèque de Poudlard ….