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Les jardins du Manoir du Grand Courtoiseau et l'orangerie du château de Coligny - octobre 2004

Après l'intervention de Jac Boutaud sur la taille des arbres et une pause déjeuner raffinée dans un petit jardin privé, visite de la spectaculaire orangerie du Château de Coligny !

© APJRC / Michèle QUENTIN

Les jardins du Grand Courtoiseau
Le groupe de l’APJRC s’était donné rendez-vous à 10h au manoir du Grand Courtoiseau, à Triguères dans le Loiret. Situé à quelques kms de Château-Renard, le château fut achevé au XVIIIème siècle, et il fut transformé par la suite en manoir, forme sous laquelle on peut l’admirer aujourd’hui. Avant d’être acheté par les actuels propriétaires, le manoir connut des vies très différentes, mis sous séquestre à la révolution, il se transforma avec les expériences d’un botaniste avant d’abriter les alcôves d’hommes politiques pour finir siège de l’Académie Goncourt lorsqu’ Hervé Bazin en fut son président...

La restauration des jardins débuta au printemps 1991, avec le projet de récréer les trois grandes parties initiales : un jardin fruitier, un jardin potager et des jardins d’agrément : plates-bandes cernées de buis et plantées de roses anciennes, pivoines, iris et vivaces et arbustes de collection Topiaires, douves paysagères, sous-bois de végétaux rares et érables du Japon, bassins, fontaines, éléments architecturaux anciens agrémentent l’ensemble, ponctué par une allée de vénérables tilleuls.

Nous commençons la visite dans la cour du manoir, sous la conduite de Jean-Hervé Dussordet. Les murs sont recouverts de vigne vierge qui se colorent brillamment en cette saison et de nombreux rosiers lianes qui seront une cascade de fleurs au printemps. Le rosier “Mermaid”, plus frileux, a été planté sur un mur abrité; il nous gratifie de quelques lumineuses fleurs jaunes simples. Mais méfiez vous car ce magnifique rosier, au feuillage persistant en climat doux, compense son ardeur et son exceptionnelle floribondité par des épines particulièrement acérées qui rendent sa taille périlleuse...
Au bord du chemin qui amène aux jardins, un vieux cognassier sert de tuteur à la Clematis “Blue Angel” et à l’Ampelopsis brevipedunculata var.elegans, jolie grimpante au feuillage panaché dont les fruits à maturité sont bleu porcelaine.

Les archives régionales ayant brûlé durant la dernière guerre, Jean-Hervé Dussordet et Guy Herdhebaut décidèrent de créer des jardins “d’inventions” dans le respect de l’architecture des lieux. En collaboration avec le paysagiste Alain Richert pour la structure, différents jardins autour du manoir furent dessinés, ayant chacun leur thème, reliés entre eux par le murmure de l’eau.
Le terrain est lourd et humide, une terre argileuse de Ph7, ce qui nécessite un entretien régulier. Fin novembre, les vivaces sont coupées, les déchets mis au compost et une épaisse couche de feuilles mortes recouverte de compost permet l’hivernage des massifs. Le compost est “maison”, soigneusement élaboré suivant la célèbre technique de la Princesse Sturdza à Varengeville.Un traitement à la bouillie bordelaise est effectuée sur les fruitiers et après la taille des rosiers en fin d’hiver.
Le jardin du Faune a été dessiné selon deux perspectives se croisant à angle droit. Des rosiers “Madame Isaac Péreire” sont palissés dans un carré avec au centre un cadran solaire Ce rosier Bourbon est l’un des plus parfumés : remontant, ses grosses fleurs doubles rose carmin foncé exhalent un parfum que l’on n’oublie jamais. Le Géranium “Rozanne” tapisse chaque pied, variété à fleurs bleues extrêmement florifère, heureusement maintenant disponible dans certaines pépinières françaises. Des damiers de lavandes ponctuent l’espace de la roseraie.

La seconde perspective dirige l’oeil vers la statue de faune au fond de ce jardin; dont un bassin d’eau en occupe le milieu. L’ensemble est cerné de haies d’ifs , taillés en topiaires. Nous sommes étonnés de voir la vigueur de ces ifs qui ne faisaient que 50cms à leur plantation il y a une dizaine d’années et qui maintenant forment un ensemble imposant et harmonieux.
La promenade commence par un carré de Morus alba, dont la coloration automnale jaune sera du plus bel effet ces jours prochains. Des scènes végétales de chaque côté de l’allée en gazon s’ouvrent au regard au cours du cheminement. C’est un mélange d’arbustes, de rosiers et de plantes vivaces dans les tons jaune, rose et blanc. En cette saison, Asters et rosiers remontants offrent leur dernière floraison.
Plus rares : Tricyrtis hirta, Cimifuga simplex “White Pearl” et Crinum x powelli (à fleur rose) sont à l’apogée. Un bel exemple de plantes qui se font oublier durant l’année mais qui nous ravissent à une époque où le jardin se fait plus discret sur les floraisons. Arbuste de saison, le Clerodendron trichotomum en fleurs dégage un parfum qui rappelle le jasmin.

Derrière le jardin du Faune, de nouvelles plantations sont disposées en mixed border naturel: arbustes, hellebores et hostas. Un large rosier ressemble à une araignée sur pattes : Rosa “Ghislaine de Féligonde” a été ainsi conduit en larges arcures ce qui va doubler sa floribondité.
Nous sommes devant la facade du manoir . Quelques arbres de collection ont été planté pour leur écorce ou leurs couleurs automnales : Ginko biloba (qui est un conifère!), Liquidambar styraciflua, Parrotia persica, Acer griseum entourent un remarquable specimen de Gymnocladus dioicus certainement introduit par le botaniste Augustin de Coincy dans les années 1880.

De part et d’autre du manoir, deux anciennes douves ont été aménagées. La première s’inspire des jardins d’eau de la Renaissance italienne, avec une fontaine murale et des plantes luxuriantes de zone humide de part et d’autre du bassin.
La deuxième est un clin d’oeil à cet ancien propriétaire botaniste et ses voyages dans les lointaines contrées exotiques : nous traversons une forêt de grands bambous Phyllostachys sulphurea var. viridis et les végétaux plantés sont d’origine asiatique ou américaine : Viburnum plicatum “Mariesii”, Hydrangea quercifolia, Aesculus parviflora (un marronnier ne dépassant pas 5m, idéal pour les petits jardins, fleurs odorantes blanches à étamines roses en juillet-août), Nandina domestica appelé bambou sacré en Asie. Un Davidia involucrata est adossé à la petite serre du fond; il a fleuri pour la première fois cette année, méritant ainsi son nom d’arbre à mouchoirs.

C’est dans le sous-bois longeant un des côtés du parc que Jac Boutaud commence sa démonstration. Les nombreuses plantations récentes sont un très bon champ d’exploration. Jac nous enseigne les rudiments indispensables à toute intervention : pas de grosses plaies en taillant, ce qui rend encore plus nécessaire la taille de formation, la recherche de l’angle de coupe la moins pénalisante pour la croissance future de l’arbre, la méthode de la taille en deux temps pour rééquilibre un arbre.... Il est difficile de raconter ce que l’oeil et la représentation rendent évidents.
Le groupe est unanime : il faut absolument développer des séances de formation comme celle-ci, qui combinent l’expérience d’un professionnel et un savoir-faire pédagogique. La preuve est là, nous sommes en retard sur notre programme. Nous finissons la visite rapidement, nous aurions bien aimé nous attarder sous le bosquet de Sorbus thibetica et admirer la vénérable allée de tilleuls. Les hôtesses du “Rendez-vous des pêcheurs” nous ont préparé un sympathique repas et nous retrouvons attablés, à parler de plantes évidemment!


Jardin privé à Fontainejean
Le jardin que nous visitons ensuite est la propriété privée de Monsieur et Madame Meilhan, situé dans le village de Fontainejean et dans le prolongement des ruines de l’abbaye cistercienne fondée en 1124. L’ambiance qui y règne est calme et sereine. Ce petit jardin est une suite de scènes végétales coups de coeur, alliant subtilité et raffinement. Les mélanges de couleurs sont judicieusement choisis et les hauteurs raisonnables des végétaux créent une harmonie dans ce jardin. Quelques arbres sont en habit d’automne : Tilia Henryana jaune près de la maison, Broussenetia papyrifera, aux feuilles polymorphes, jaune beurre en ce moment, Malus “Everest” couvert de petites pommes orangées. Les associations de végétaux sont bien choisies : rosier “Rose de Recht”, Geranium “Rozanne” et Aster “Marie Wolskonsky” violet.; Leycesteria formosa associé à des cosmos rouges; Ceratostigma plumbaginoides avec Knautia macedonica, aux fleurs de scabieuse pourpre profond. Le Deutzia setchuenensis var. corymbiflora est planté à côté d’un penstemon mauve violet dont les graines ont été ramassées dans un jardin anglais. De nombreuses variétés de potentilles et d’asters sont établies en couvre-sol, rehaussant la floraison des rosiers et des arbustes. Nous remarquons le rosier “Nevada” , un hybride de Moyesi, qui ploie sous les grandes fleurs blanc-crème en juin, et Rosa chinensis mutabilis, aux fleurs simples jaune chamois à l’ouverture, passant au rose cuivré à la défloraison, sans interruption de juin aux gelées.


Domaine de Coligny
Monsieur et Madame Maître nous accueillent ensuite au château de Coligny , qu’ils ont acquis récemment. C’est un lieu chargé d’histoire : en 1464, Jean III de Coligny, s’établit à Châtillon sur Loing, continue la fortification du château-fort.et fait construire les grandes terrasses. Gaspard II, Seigneur de Châtillon et amiral de France,embellit le château par une aile Renaissance, l’orangerie et le puits dit de " Jean Goujon". Symbole du protestantisme, l’Amiral de Coligny est assassiné durant la " Nuit de la Saint-Barthélemy " le 24 août 1572 sur ordre de Catherine de Médicis.

Du grand château, il ne reste plus qu’un donjon et des ruines reflétant l’imposante bâtisse et le pouvoir représenté. L’engouement des « jardins à l’anglaise » au 19ème siècle a rompu la subtile harmonie Renaissance et la pureté des lignes originelles. Les plantations, qui sont devenues maintenant de grands arbres, brisent le lien initial entre l’ancien château et les jardins et absout l’unité conceptuelle conçue à la Renaissance.

On se met à penser à Joachim Carvallo, qui réinventa les jardins de Villandry « Il y avait là un jardin français….Il y avait une terrasse ! Deux, trois terrasses ! Ah, mon ami, c’était magnifique ! »
Au niveau de la porte de l’enceinte terrassée s’établit la terrasse d’honneur, rectangulaire » au bout de laquelle a été construit le « Petit château » du 19ème siècle. Elle surplombe la terrasse intermédiaire, dite de l’Orangerie, cette dernière dominant les jardins bordés par le Milleron canalisé. Il s’agit maintenant d’une vaste étendue d’herbe, où l’on peut deviner le dessin des jardins initiaux.

L’Orangerie est un exceptionnel bâtiment et certainement une des premières et la plus belle des orangeries construites en France au 16ème siècle, contemporaine de celle du château d’Anet réalisée par Philibert de l’Orme. Son entrée est recouverte d’une exceptionnelle bignone orange.
Elle est constituée d’une succession de neuf salles rectangulaires, voûtées en berceau, rythmées par des salles non ouvertes vers l’extérieur. L’ensemble, enduit d’un crépi rose, se découvre en enfilade, offrant une magnifique perspective de 122m de long. Les zones d’ombre et de lumière, données par les immenses verrières orientées sud, renforcent l’impact architectural de l’ouvrage. La température peu variable tout au long de l’année à l’intérieur de l’orangerie pourrait permettre l’acclimatation de nombreuses plantes non rustiques rares et intéressantes .
Situé dans l’axe de symétrie de la porte de l’enceinte terrassée et du donjon, un puits en pierre sculptée occupe le centre de la terrasse. Attribué à Jean Goujon, il est constitué d’une grande vasque encadrée de quatre piliers décorés. soutenant un dôme surmonté des symboles fastueux des Coligny.
Tous ces éléments architecturaux remarquables nécessitent un contexte végétal adapté à leur histoire. Les nouveaux propriétaires font beaucoup d’efforts dans la restauration de l’ensemble du site. Leur enthousiasme et leur écoute leur permettront, avec notre aide, de mener plus loin leurs réflexions.