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Le rêve d'un créateur : les jardins d'Apremont - juin 2004

Aux confins du Berry, à 16 kilomètres de Nevers, se dresse au bord de l’Allier l’imposant château d’Apremont; à ses pieds s’étend le village médiéval, classé « un des plus beaux villages de France »...

© APJRC / Michèle QUENTIN

A l’origine, Apremont était un village de carriers. En 1930, Eugène Shneider s’enthousiasme pour le site. Il démolit les maisons récentes qui n’étaient pas en harmonie avec l’architecture du village, pour ne garder que les plus anciennes et reconstruire des habitations dans le style médiéval berrichon.
En 1970, Gilles de Brissac, son petit-fils, crée un parc floral ouvert au public afin de mettre en valeur le site. D’importants travaux sont effectués pour créer sur quatre hectares un jardin avec étangs, cascade, pelouse, massifs d’arbres, d’arbustes et de fleurs., agrémenté de « folies » dans l’esprit de la seconde moitié du 18ème siècle.
Nous sommes accueillis par Elvire de Brissac, qui a repris le parc floral après le décès récent de son frère. De formation forestière, elle s’initie avec beaucoup de courage et de volonté à l’évolution d’un subtil jardin de créateur ; « Gilles a ouvert ce jardin au public en 1976, mais il avait commencé les travaux dix ans avant , nous explique Elvire de Brissac. « Il me disait toujours qu’il fallait 50 ans pour qu’un jardin s’établisse !

« Nous avons deux jardiniers et demi, et nous entretenons également les abords du village. Le parc est ouvert de Pâques à septembre, et les visiteurs doivent apprécier toute la saison les vivaces et les annuelles. La terre est très lourde, argileuse et nous sommes sous un climat continental. L’été, on passe de la boue à la poussière et 2 années sur 3, le gel grille les fleurs naissantes des magnolias »

Le parc nous apparaît cependant éclatant de couleurs et de santé. Dès l’entrée, nous admirons le mélange du rosier jaune grimpant Rosa bracteata « Mermaid » et de Clematis « Venosa violacea ».

« Au départ, il y avait 4 tilleuls sur 5 hectares » continue Elvire de Brissac « la première des mesures a été de laisser les maisons anciennes à l’intérieur du parc, en supprimant la route, et de construire le jardin autour. »

On se croirait dans un conte de fées : Rosa « Phyllis Bide » et clématites s’enroulent autour des maisons et les vivaces en massifs leur répondent en couleur.
Un grand Albizzia julibrizzin, espèce à la limite du gel, borde le chemin qui mène à la célèbre allée de glycines blanches, longue de 115m. La force constrictrice impressionnante de ces lianes met à mal les 84 poteaux qui les soutiennent. Des travaux de restructuration vont être mis en œuvre pour consolider l’allée tout en lui gardant son charme initial.
L’allée débouche sur un chemin bordé d’imposants massifs d’arbustes et de vivaces.

« Regardez « s’exclame une des personnes de notre groupe, « On a l’impression qu’il a neigé sous les deutzias ! ». En effet, les arbustes viennent de terminer leur floraison et toutes les fleurs blanches jonchent le sol.
La pivoine Paeonia lutea var. ludlowii, à la floraison jaune, nous gratifie d’un élégant feuillage découpé. Nous remarquons également un Nepeta x fassenii « Dawn to Dusk », peu courant, à la floraison rose.
Un peu plus loin, des Hydrangea sargentiana, avec leurs larges feuilles foncées, donnent une impression fantastique à un coin ombragé.

Nous accédons au Belvédère, dernière fabrique créée par Gilles de Brissac et imaginée par Alexandre Serebriakoff, dans le style néoclassique russe. Huit panneaux de faïence de Nevers nous expliquent que le paradis des jardins est ici, après l’évocation du voyage imaginaire des polichinelles de Venise, aux quatre coins de la planète. Et par les ouvertures, nous plongeons dans l’univers des Mille et une nuits du créateur du jardin.

Le décor change, pour retrouver une ambiance plus boisée de part et d’autre de l’étang : Fagus sylvatica f. asplenifolia, Metasequoia glyptostroides, Cornus alternatifolia « Argentea », Ostrya carpinifolia, Nous remarquons également d’autres variétés intéressantes : Pyrus calleryana, dont les feuilles subsistent très longtemps sur l’arbre, un superbe érable champêtre, des pommiers botaniques : Malus transitoria et un exceptionnel Malus toringoides. Un imposant Sequoia sempervirens fait face au pavillon turc. Gilles de Brissac a également planté des chênes de Hongrie Quercus frainetto.
Des arbustes retiennent notre attention : Deutzia setchuenensis var. corymbifolia, Clerodendrum trichotomum. Méfiez-vous de la feuille de ce dernier, qui ne sent pas bon, à l’inverse des fleurs d’été dont l’odeur est exquise.

Le groupe se précipite pour goûter les fruits sucrés de l’Amelanchier canadensis, curieusement délaissés par les oiseaux, et qui sont à point pour la confection de délicieuses confitures.
D’aériens Salix sacchalinensis (le nom a changé) et des Nyssa sylvatica, à l’éblouissante floraison automnale, bordent l’accès au pont chinois.

Elvire de Brissac nous explique que d’importants travaux de restauration vont être entrepris dès septembre prochain pour refaire les montants en bois et toute la peinture. D’autres dossiers sont en cours : réfection du pavillon turc, mise en état des clôtures, restauration de la tonnelle.

La visite se termine par le jardin blanc, composé essentiellement de vivaces et d’annuelles : Clematis recta, Campanula latifolia macrantha « Alba », Calimeris incisa, verbascum chaixii, Galega officinalis « Alba », Geranium « Clarkei White » en couvre sol, cosmos blancs et de nombreux rosiers Fée des Neiges ou Rosa « Iceberg ».

Quelques mètres à travers le ravissant village et nous nous retrouvons tous à la Brasserie du Lavoir pour un déjeuner convivial et très animé : discussions autour des plantes, évidemment !

Nous avons rendez-vous dans l’après-midi à la pépinière Adeline, près de la Charité sur Loire. Passionnés de plantes, Claudie et Gérard Adeline recherchent depuis de nombreuses années des plantes rares et originales. La pépinière regroupe près de 6000 variétés de plantes, espèces et cultivars. C’est l’occasion pour le groupe de visiter les collections, de comparer les espèces et les variétés, d’étudier leur comportement, d’évaluer leur croissance et surtout de rêver à ses futures plantations….