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"Topiaire : théorie et pratique" au parc d'Azay-le-Ferron - septembre 2006

Les jardins d’Azay-le-Ferron présentent une collection particulièrement originale de topiaires. Certains sujets sont imposants et très structurés, avec des formes raffinées demandant une méthode de taille adaptée.

© APJRC / Michèle QUENTIN

Créé au 18ème siècle, le parc d'Azay-le-Ferron apparaît pour la première fois sur la grande carte de France dressée par l’astronome Cassini vers 1770. Il conserve cependant des vestiges de plantations plus anciennes comme une partie de l’alignement de tilleuls à l’angle sud-est du château. Aujourd’hui, la superficie du parc est de 20 ha, situés au cœur d’un vaste domaine agricole et forestier de près de 1 000 ha géré par la ville de Tours (legs de Mme Hersant-Luzarche en 1951).....
C’est Véronique Moreau, conservateur-adjoint au Musée des Beaux-Arts de Tours, qui nous conduit à travers le parc pour une visite historique.
En 1856, Alfred Luzarche fait appel au célèbre paysagiste Denis Bühler pour remodeler le parc au goût de l’époque. Celui-ci précise les essences d’arbres à introduire (tilleuls argentés, chênes rouges…) dont la plupart sont encore en place aujourd’hui. Au sud, la cour verte délimitée par une grille est supprimée au profit d’une grande zone engazonnée, plantée de massifs de géraniums.
Georges Hersent, mari de Marthe Luzarche, fait réaliser dès 1920 d’importants travaux paysagers. Il garde le modelé du parc en supprimant quelques allées, complète le système hydraulique et crée un golf à la limite du sous-bois. L’ancienne cour verte est modifiée après la construction de la galerie de style renaissance. Un parterre de broderies de buis inspiré de modèles du 16ème siècle, jalonné de grandes pyramides d’ifs est réalisé tandis qu’un boulingrin assure la transition avec le parc paysager.
Des allées au tracé souple, délimitant des parcelles aux contours sinueux, emmènent le promeneur jusqu’aux confins du parc où se trouve un étonnant bassin circulaire en pierre du 18ème siècle, avec un buffet d’eau aménagé en 1920. Une longue perspective de 1500 m, axée sur la tour médiévale du château, est ponctuée de groupes de grands tilleuls, érables, marronniers. Elle se prolonge au-delà de la pièce d’eau par une longue avenue bordée de tilleuls.

Sur le côté, une large prairie de 1,8 ha abrite le verger conservatoire créé en 1996 en partenariat avec l’association des croqueurs de pommes, l’université François - Rabelais et la ville de Tours. Près de 300 sujets ont été plantés, comprenant 150 variétés de pommiers, poiriers, pruniers, cerisiers, néfliers…
Nous remontons vers le château par une allée bordée d’arbres plus rares. De l’autre côté du bâtiment se trouve le célèbre jardin de topiaires d’ifs inspirés d’un jeu d’échecs, influence de la mode des jardins anglais du 17ème siècle. Ce sera notre terrain d’expérimentation durant l’après-midi. L’ancien passage de l’orangerie recèle un parterre de buis ; quelques marches conduisent au jardin fleuriste carré entouré d’ifs et ponctué de grands magnolias taillés. Sous l’impulsion de Véronique Moreau, qui s’est inspirée de cartes postales anciennes, les vivaces ont repris leur place d’origine depuis une dizaine d’années.
Derrière la haie d’ifs se trouvait autrefois le potager ornemental, bordé d’un côté d’une double allée d’arbres et de l’autre d’un mur joliment palissé de plantes grimpantes (le potager vivrier, clos de mur, se trouvait tout au fond). L’ordonnance classique rappelle Villandry (les Hersent étaient voisins et amis des Carvallo) et devait à l’époque reproduire certains massifs que l’on retrouve encore aujourd’hui à Villandry. Un grand nombre d’entre-nous regrette toutefois que la disposition des nouvelles plantations ne soit plus en harmonie avec l’architecture initiale du jardin.
L’entretien du parc est quotidiennement assuré par une permanence de quatre jardiniers de la ville de Tours, sous la direction de Jean-Pierre Couturier.
Le travail de l’année est défini lors de la visite de la directrice des Espaces Verts et l’ingénieur paysagiste.

Historique de la Topiaire (extraits de l’exposé de Claude Bichon, jardinier en chef de Talcy)
Topiaire : nom féminin, désignation des végétaux taillés en forme de figures décoratives représentant un animal, un objet géométrique ou une scène. L’art topiaire est l’art de conduire la croissance des arbres et arbustes, et de les tondre afin qu’ils épousent une forme particulière. Le végétal ainsi sculpté peut prendre l’aspect d’un élément d’architecture, d’un motif abstrait ou figuratif.
L’origine de cet art est très ancien, dès l’antiquité et l’on retrouve des descriptions précises dans des lettres de Pline le Jeune : « d’une terrasse entourée d’une haie de buis décorée de motifs variés, une pente descendait entre les paires d’animaux affrontés, taillés dans des buis. Ailleurs, d’autres buis étaient taillés selon des milliers de formes, certains en lettre de l’alphabet épelant le nom du jardinier ou de son maître…). A l’époque, topiarus désignait un jardinier chargé de créer et d’entretenir un jardin de plaisance et on utilisait surtout le buis et le cyprès.
Au Moyen-Age, c’est dans l’environnement des monastères que l’art topiaire survit en Occident avant de se développer en Italie dès le 13ème siècle. L’art topiaire renaît et on utilise des végétaux variés dans les jardins d’agrément italiens. Puis la Renaissance italienne connaîtra un succès qui s’étendra jusqu’aux confins de l’Europe.
Au milieu du 17ème siècle, le jardin devient dans l’Europe entière l’irremplaçable théâtre d’un certain type de relations sociales basées sur de grandes fêtes privées. Les grands murs de verdure régulièrement taillés déterminent des trajets linéaires. Le modèle français, symbole de pouvoir, voit son apogée avec le jardinier Le Nôtre.
En Angleterre, il existait en 1861 une pépinière spécialisée dans la confection de topiaires extravagants : arbres et arbustes servant de masse de verdure et de galeries de sculptures.
Mais l’influence du paysage pictural et du romantisme relégua l’art topiaire dans les jardins à une place secondaire.
Néanmoins, il existe encore aujourd’hui des jardins anciens de topiaires classiques entretenus. Des reconstitutions ont été réalisées dans de grands jardins et les nombreuses créations, dont certaines très célèbres, démontrent le renouveau de l’art topiaire.
Après ce rappel historique, Claude Bichon nous détaille les principales formes de topiaires utilisées dans les jardins contemporains, les formes utilisées, les outils appropriés et les plantes utilisées pour la topiaire. Une petite brochure explicative a été remise à chacun des participants.

Après la théorie, la pratique…
Les jardins d’Azay-le-Ferron présentent une collection particulièrement originale de topiaires, principalement d’ifs. Certains sujets sont imposants et très structurés, avec des formes raffinées demandant une méthode de taille adaptée.
La taille des éléments végétaux représente 40% du temps de travail des jardiniers du site. Les haies sont taillées chaque année, la mosaïque de buis nécessite 22 jours ½ soit 180h de travail, elle est traitée tous les deux ans en alternant taille en fin et en début de saison afin de raccourcir l’intervalle de temps. Les gros sujets sont traités suivant le même rythme.
Jean-Pierre Couturier nous présente messieurs Berthault et Viauvy qui sont chargés de la taille. Des topiaires ont été préparés pour nous, les gabarits sont sortis et nos deux jardiniers nous font une démonstration brillante et efficace de taille durant toute l ‘après-midi, nous initiant aux règles de la taille et ne négligeant aucune recommandation. Leurs astuces profitent au groupe assidu et les échanges que provoque chaque intervention différente sont particulièrement instructifs. Nous remercions vivement les jardiniers de tous leurs bons conseils et du temps qu’ils nous ont consacré.