Contenu

Le parc et le potager-conservatoire de Valmer - septembre 2004

Étonnante rencontre entre les vénérables chênes pédonculés du parc de Valmer et ceux des montagnes mexicaines. L’orangerie, au pied du labyrinthe, a été transformée en salle de conférence pour l’occasion...

© APJRC / Michèle QUENTIN

L’atmosphère qui règne au sein de Valmer est dynamique car à chaque instant de nouveaux projets sont mis sur pied, de nouvelles plates-bandes sont mises en valeur, de nouvelles graines germent. Le travail réalisé ces dernières années fait l’admiration de tous, spécialistes ou visiteurs du dimanche. Dès la grille franchie, l’aménagement des douves en est un bon exemple.
Le parc de 80 hectares a gardé intactes les belles perspectives du XVIIe siècle et ses terrasses qui encadrent de superbes vues sur les coteaux de la vallée de la Brenne.
Le sol est drainant, composé de calcaire avec des bandes d’argile à silex, le pH parfois élevé (jusqu’à 8). Une bonne terre à chênes ! La pluviométrie est de 500-600 mm/an. L’été dernier, la canicule est arrivée sur une terre bien trempée et seul un Cornus alternatifolia ‘Argentea’ a séché. En revanche, cette année, en 2004, il n’a pas plu du 15 juin à fin août et l’on ne peut encore en mesurer les conséquences.

Les premières plantations ont été installées à l’entrée du parc, dans une prairie ombragée par de grands chênes : Abelia chinensis, arbuste formant une belle touffe large, qui fleurit de juillet à septembre, Ptelea trifoliata, Rutacée originaire des Etats-Unis dont l‘écorce, le feuillage et les samares sont aromatiques et qui se colore de jaune à l’automne, Viburnum x Hillieri (V. erubescens x V Henryi) au port large et étalé, Viburnum cylindricum dont les feuilles sont recouvertes d’une pellicule cireuse qui permet d’écrire dessus avec l’ongle. Des Rhamnus Alaternus ont été plantés pour leur joli feuillage persistant, leur croissance rapide et leurs fruits qui peuvent rivaliser avec ceux des houx. Un Heptacodium miconoides offre une floraison blanche et parfumée, toujours attrayante à cette période de l’année.

Alix de Saint Venant explique comment elle plante dans le parc qui est une chênaie-charmaie, accompagnée de châtaigniers : « Quand nous avons été obligés de faire des coupes, nous faisons venir un entrepreneur avec une pelle mécanique pour enlever les souches et dégager le placeau. Je plante moi-même avec une petite pelle ‘Bobcat’ pour faire des godets de 50 cm de diamètre que je remplis avec un mélange de terreau fait maison et de la terre du trou. »
De nombreux chênes ont été ainsi plantés aux alentours : Quercus phillyreoïdes, petit arbre rare et inhabituel au feuillage persistant; Q. libani, qui aime les terres chaudes et légères, de préférence argilo-calcaire, Q. wutaishanica , un chêne dont le type a été récolté dans le Hubei en Chine, à 2 000m d’altitude dans le Xiao Wutai Shan par Mayr en 1913, et Q. glauca, qui peut prospérer dans l’Ouest et surtout le Midi de la France.
Autour d’un jeune chêne, les discussions vont bon train : il semble ne pas être un Q. nigra car il n’y a pas de tomentum à l’aisselle des nervures, ni un Q. hemisphaerica car l’apex n’est pas assez acuminé. Serai-ce un Q.laurifolia ? Les spécialistes présents nous rappellent qu’il faut faire attention dans les pépinières car beaucoup de chênes vendus comme Q. laurifolia sont en fait des Q. nigra et que ces trois espèces de l’Est des Etats-Unis sont très difficiles à différencier sur les jeunes sujets. Thierry Lamant affirme même qu’on ne peut le faire que quand ils ont atteint une quinzaine d’années.
D’autres chênes américains ont été introduits : Q. imbricaria, il y a une dizaine d’années, et plus récemment Q. xBebbiana, hybride naturel de Q. alba x Q. macrocarpa.
Sont plantés en sous-étage des Photinia serrulata, pour leurs belles feuilles persistantes, Sinocalycanthus chinensis, pour ses grandes fleurs blanches délicatement inclinées, des Osmanthus serrulatus qui deviendront de gros buissons de 4 m sur 8 à 10 m à l’âge adulte (les Osmanthus, qu’on appelle parfois dans des pays anglo-saxons Chinese Holly, sont faciles à différencier des Ilex par leurs feuilles toujours opposées), Prinsepia sinensis, une Rosacée de Mandchourie très épineuse mais dont la floraison en grappes jaunes au printemps embaume. Ses drupes sont comestibles.

Les chevreuils pullulent dans le parc et chaque arbre planté est entouré de grillage. Un système complémentaire est à l’essai et semble assez convaincant : ce sont des tiges métalliques de 1,20 m de haut, hérissées de petites tiges latérales, que l’on plante à côté du tronc (‘Arbofer’ est disponible dans les coopératives forestières) : l’animal craint de se blesser le nez et n’attaque pas la plante. Une tige par arbre suffit.
Profitent de la lumière d’une des clairières du parc un gracieux Zelkova xVerschaffeltii, un Ostrya japonica aussi beau en fleurs qu’en fruits, des Corylus avellana ‘Heterophylla’, au feuillage très découpé. Un autre cultivar est apprécié par les visiteurs : Tilia cordata ‘Winter Orange’, remarquable en hiver avec ses jeunes tiges lumineuses rouge orangé et ses bourgeons rose vif.
Parmi les acquisitions de ces dernières années : Deutzia setchuenensis var. corymbiflora, le plus beau des deutzias lorsqu’il est couvert en juin d’une multitude d’étoiles blanc pur.

Le potager
On ne peut rester insensible au charme et à l’élégance de Valmer. Dans ce site vallonné, les jardins disposés en terrasses à l'italienne furent créés entre 1500 et 1650. Leur créateur a su tirer parti des caprices de la pente : l’axe est-ouest s'étire sur huit niveaux et plus de 30 mètres de dénivelé. Cet agencement, qui cultive l'art de la dissimulation et de la surprise, est rythmé par des murs et des balustrades aux arcades de briques.
En contrebas, le potager-conservatoire d’un hectare explose de couleurs en cette saison. Tous ces légumes en bonne santé nécessitent près de 20 tonnes de fumier par an !.
Le jardinier en chef, Sébastien Verdière, s’occupe avec passion de ce potager conservatoire, n’hésitant pas à nouer des liens avec des botanistes de contrées lointaines pour obtenir de nouvelles graines ou acclimater des espèces oubliées.
Il arpente les allées et surveille ses plantations, bêche, bine et cueille, tout en répondant aux nombreuses questions des visiteurs. Car dans ce jardin, même si les plantes sont étiquetées, ces végétaux rares, anciens, régionaux ou insolites soulèvent bien des interrogations.
Peut-on goûter la Stevia rebaudiana (plante à sucre), comment utiliser le Tanacetum balsamita ( au goût de chewing-gum), qu’est ce que ce Cardiospernum halicacabum ?

C’est un potager vivant, amusant, utile et dont le thème renouvelé chaque année permet aux visiteurs de découvrir une espèce dans toute sa diversité. L’an dernier, c’étaient les salades et les cucurbitacées, qui avec la canicule de l’été n’ont pas eu à souffrir de la nostalgie de leur pays. Tandis que les salades « Grosse Blonde Paresseuse «, « Frisée Verte Fine d'Eté » s’épanouissaient près de leurs voisines « Scarole Cornet de Bordeaux » et « Orchidea Rossa »
« Cette année - s’exclame Alix- nous avions décidé de présenter les choux et les haricots. Double mauvaise pioche ! Les choux ont été ravagés par les altises dès le mois d’avril et les haricots ont du être semés 3 fois. »
Quand on sait que la graine de haricot germe à +12° et que dans le jardin de Valmer, le 15 juillet, la température n’excédait pas 5° le matin, on comprends l’agacement des jardiniers devant la piètre mine des "Nombrils de Bonne Sœur », « Corne de Postillon Jaune « , « Merveille de Venise « et autres variétés d’haricots.
De nombreuses plantes condimentaires, textiles ou médicinales sont disposées dans les massifs, telles la Salvia discolor.et la sauge ananas, éclatantes de couleur en cette saison. Une collection d’une quarantaine de thyms en pots borde le mur de la serre, faisant face à une collection de menthes et de fraises.

La « Galerie des Gourdes » de Valmer est un vrai monument végétal, en contrebas des jardins en terrasses. Prolongeant les douves et longeant le mur du verger, le dessin reprend le motif du potager et se termine par un espace circulaire centré sur une colonne antique. Ce tunnel de 4,5m de large, 2,5m de haut et 200m de long, fabriqué en chataignier recouvert de 4 km de bambous, a nécessité plus de 500 heures de travail ! Il a fallu beaucoup de réflexion pour que cette structure jamais réalisée encore soit suffisamment solide pour supporter le poids des Lagenaria siceraria, le nom botanique de ces gourdes. Elles sont plus extravagantes les unes que les autres, s’accrochent, s’enroulent autour des bambous ou semblent suspendus dans les airs. Leur apothéose se situe au début du mois d’octobre, lorsque les fruits ont atteint leur maturité. Le jardin de Valmer organise alors son traditionnel « vide-jardin ».

Alix de Saint Venant s’amuse à rappeler que cette plante, de la famille des Cucurbitacées, est le véritable « Tupperware » de l’Afrique, elle sert à tout ! Grâce à sa capacité de durcissement lorsqu’elle sèche, elle peut se transformer en ustensile de cuisine, nichoir providentiel pour les oiseaux, instruments de musique, vêtements et objets de décoration multiples.
Pour ces Cucurbitacées et les végétaux du potager, on récolte le plus méthodiquement possible les semences : un véritable travail de conservation, d’échanges suivis avec des collectionneurs du monde entier. La congélation des graines et l’existence d’une base de données informatisée permettent de gérer les collections.
Rigueur et enthousiasme, passion des plantes, règnent ici au milieu d’un cadre chaleureux et ouvert à tous.