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Couleurs d'automne et techniques de plantation dans un arboretum - octobre 2010

Une journée automnale dans le Loiret !

© APJRC / Michèle QUENTIN

Situé dans une réserve naturelle de 24 hectares au coeur de la forêt d'Orléans, l’arboretum des Grandes Bruyères se construit patiemment depuis plus de 40 ans. Aujourd’hui, le parc se compose de plus de 6500 ligneux sur une douzaine d’hectares.
Notre groupe se compose d’une trentaine de membres de l’association, désireux de connaissances et de recommandations.

En se fondant insensiblement dans la forêt, les collections sont organisées en fonction de l'origine géographique des plantes, mais aussi de leur forme et de leur floraison, composant un tableau aux très belles harmonies.
Parmi les espèces qui peuplent ce grand parc, de nombreuses bruyères bordent les allées, au milieu des collections de chênes, d’érables, de conifères,.... et des collections nationales attribuées par le CCVS (Conservatoire des Collections Végétales Spécialisées) de Magnolia et de Cornus. "Le cornouiller est un magnifique arbre qui n’est beau qu’après l’adolescence" précise Brigitte de la Rochefoucauld, "je trouve ici Cornus florida plus spectaculaire que Cornus kousa, il a quelque chose de plus sauvage qui correspond à cette forêt d’Orléans".
Non loin de la maison, un grand chêne occupe une large clairière. C’est à la suite d’un voyage en Angleterre, que Brigitte de la Rochefoucauld a compris comment traiter le vieux chêne majestueux de la propriété, âgé aujourd’hui de plus de 200 ans : "il est nourri tous les ans avec un terreau maison. Chaque printemps, nous étendons une litière de 30 cm d’épaisseur autour de l’arbre, sur une large surface. Si nous faisons ce travail le lundi, nous ratissons le vendredi avant de tondre. L’arbre a tout avalé !".

L’arboretum est un lieu d’observation et d’expérimentation.
Notre guide est une merveilleuse oratrice et dispense ses conseils avec une grande générosité. Elle nous montre un rare exemple de Tilia insularis, originaire de Corée, offert par l’Association des Parcs Botaniques de France ; nous préconise de planter telle ou telle variété ; offre des boutures ; s’interrompt pour vérifier le bon état d’un arbre ; puis reprend la conversation en répondant aux questions de chacun.

Les allées sinueuses, en gazon ou recouvertes de sciure (pour éviter le binage), réservent constamment des surprises et la découverte de plantes rares. Chaque sujet étant étiqueté, la prise de notes est incessante…. et nos sens en éveil. Nous remarquons le parfum délicat provenant de l’Osmanthus armatus en fleurs, un grand arbuste persistant originaire de l'ouest de la Chine.
Un petit érable d’une dizaine de mètres est rouge carmin en cette saison.
Acer buergerianum, originaire de l'est de la Chine, supporte le calcaire. La feuille vert brillant de 4 à 8 cm de long présente trois lobes formant un trident.
Après quarante années de plantations, beaucoup d’arbres Ont atteint une taille impressionnante et Brigitte de la Rochefoucauld aime les regarder.
"On ne plante pas pour soi. Les arbres, à l’inverse des hommes, ne sont beaux que vieux !".
Les bruyères sont les couvre-sols privilégiés du parc et semblent s’être installées naturellement. Pourtant, elles ont toutes été introduites pour former aujourd’hui une collection de référence.
Brigitte de la Rochefoucauld nous préconise de diviser les bruyères à l’automne, dès qu’il pleut. Les planter sous les conifères et ne pas les disposer sous des arbres caducs afin d’éviter le nettoyage - suivant un principe cher à Russel Page : "on met des feuillus sous les feuillus". Le chiendent étant un ennemi redoutable dans les massifs de bruyères, il est conseillé de tondre durant deux ans la plate bande herbeuse destinée aux futures plantations.
D’autres arbustes et vivaces tapissent les pieds des arbres. Mais si les rhododendrons, les bruyères et les asters forment d’attrayants massifs et se développent raisonnablement, attention à l’Aegepodium podagraria 'Variegata', une ravissante vivace panachée tapissante, mais tellement invasive.
Au détour d’un chemin, nous découvrons une autre rareté : Franklinia alatamaha, originaire de Géorgie, un petit arbre caduc qui a disparu de la nature. Difficile à acclimater, le sujet semble apprécier la terre sableuse dans laquelle il a été planté. C’est un arbre qui atteint 7m de hauteur avec une cime qui couvre environ 4m d’envergure. Les feuilles oblongues mesurent 15cm. Il est intéressant pour ses couleurs flamboyantes à l’automne et sa floraison parfumée tardive, en fin d’été ou en automne. Les fleurs blanches, ornées de nombreuses étamines jaunes, sont en coupes plates de 8cm de diamètre.

L'allée du Pacifique
La grande allée qui sépare l’arboretum d’Asie et celui d’Amérique est appelée le Pacifique : la percée est importante et la vue donne sur le grand étang. Celui-ci, maintes fois agrandi, est irrigué par l’eau gravitaire du lac de la partie asiatique, et par une pompe.
Sur les rives, les liquidambars hybrides sont très colorés à cette époque et s’harmonisent avec les Taxodium distichum roux. De l’autre côté, les peupliers américains ondulent
et bruissent sous le vent. Près de l’étang, est planté un Quercus incana qui va devenir rose au printemps. Ce petit chêne, originaire du Texas, présente une écorce originale et des feuilles longues et lancéolées. "Ce qui est important, pour nous autres jardiniers" nous confie Brigitte de la Rochefoucauld, "c’est de nous plonger dans la nature et dans l’étude de la nature. C’est notre détente, notre échappatoire. C’est le plus important de tout, peu importe que le jardin soit grand ou petit". Le souci de préserver le milieu forestier et les équilibres naturels, interdit l’usage, dans l’arboretum, de tout moyen chimique, engrais ou herbicide. La réserve est devenue un conservatoire écologique et ornithologique. La population d’oiseaux sur le site, très importante et diversifiée, est suivie par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux).

L’arboretum des Grandes Bruyères se compose de huit jardins et deux arboretums réunis en un seul parc.
En cette magnifique journée d’automne, nous avons pu profiter de l’accueil chaleureux des propriétaires, de la visite guidée des lieux, des superbes couleurs d’automne et d’un enseignement riche d’années d’expériences et de connaissances.
Beaucoup sont repartis avec un carnet rempli de notes et le cadeau d’une bouture. N’oubliez pas : "la garder au frais quelques jours avant de planter".

SÉANCE DE PLANTATION - TRANSPLANTATION
200 à 250 arbres et arbustes sont plantés, ou transplantés, chaque année dans l’arboretum. Le programme de notre journée comprend une "formation" et nous assistons à la plantation d’un Viburnum en jauge et à la transplantation d’un Berberis, deux sujets originaires de Chine.
Viburnum propinquum est un arbuste persistant d’1m sur 1m, aux fleurs blanc vert formant de grandes ombelles, suivies de fruits ovoïdes bleu noir.
Berberis dictyophylla est un superbe arbuste de 2-2,5m, aux jeunes rameaux rouges couverts de pruine blanche, prenant à l’automne un feuillage coloré agrémenté de fruits rouges.
Dans le parc, la terre est sableuse, donc très facile à manier (un trou de plantation se fait en 3mns…), et l’on peut, pour la même raison planter beaucoup… Inconvénient : ce sol est très pauvre et doit être constamment amendé.
Un mulch permanent évite le dessèchement au pied des plantations.
Le fidèle Orlando, accompagné de son assistant, a préparé trois tas :
- Un terreau simple, composé de feuilles et de fougères
- Un terreau enrichi de corne broyée et d’Or brun
- Une terre "forte", en complémentarité (mélange de plusieurs terreaux).
Ces différents substrats seront mis dans le trou de plantation, et mélangés.
Brigitte de la Rochefoucauld dirige les opérations : "Un bon terreau doit murir 12 mois" ; "Si l’on attaque une platebande, il faut avoir tondu plusieurs fois avant" ; "Pour un transplant correct, il faut préparer théoriquement la plante 6 mois à un an à l’avance, en la cernant régulièrement. Ici, nous n’effectuons aucun cernage au préalable mais nous sommes très vigilants sur l’époque de transplantation : octobre-novembre pour les conifères et les persistants, en privilégiant le mois d’octobre pour les plantes les plus délicates. Les feuillus sont transplantés dès le mois de novembre, après la chute des feuilles. Nous privilégions les époques pluvieuses - pour un bon arrosage naturel - et tenons compte du calendrier lunaire".
Avec leur pelle Gouvy (en tôle acier et emboutie d'une seule pièce), les deux jardiniers effectuent la déplantation. Dès la sortie de l’arbuste, Brigitte de la Rochefoucauld procède à un examen attentif du système racinaire, une coupe des mauvaises racines et un nettoyage des parties aériennes de la plante.
Fort de son expérience, Orlando nous précise que souvent les arbres et arbustes sont plantés trop profondément.
Cela se remarque tout particulièrement dans les sols légers, sableux, et lorsque le trou de plantation est trop important. La terre se tasse, le collet de la plante est enterré au bout de deux ans. Orlando préconise donc une surélévation lors de la plantation, proportionnelle au diamètre du trou de plantation.