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Collections d’arbres, d’arbustes et de vivaces dans l’Orléanais - juin 2011

Les jardins de la Javelière présentent des ensembles d'espaces très différents où le propriétaire-collectionneur peut laisser libre court à sa passion.

© APJRC / Michèle QUENTIN

Propriété de Monsieur et Madame Patrick Masure depuis 1992, les jardins de la Javelière présentent des ensembles d'espaces très différents. D’une superficie de 4ha, le parc est planté sur le versant nord d’une hauteur la plaine de Beauce. A proximité du manoir se trouve une roseraie moderne ornée d'un bassin, un potager, un verger et le parc.
Dans un bois de chênes, sont installées des collections de vivaces d'ombre et d'arbustes : Ilex, Viburnum, Hydrangea, Pieris, Rhododendron. Une charmille s'ouvre sur un décor de topiaires. Plus loin, un jardin à l'italienne, planté de cyprès évoque une ambiance méditerranéenne. Le style des jardins japonais inspire une autre partie du parc où un ruisseau bordé d'ardoises serpente au milieu d'érables du Japon.
Le sol, neutre, est argileux, quelques veines sableuses apparaissent par endroit. Le climat de la région se caractérise par une pluviométrie assez faible, 630 mm par an, des étés chauds et secs. Toutes ces conditions conviennent particulièrement bien aux rosiers. Outre la petite roseraie moderne dessinée dans l’esprit des petits jardins des années 1920-1930, une collection de rosiers anciens agrémente la promenade autour de l’étang. Sur une longue bande de terre acquise en 2001, Patrick Masure a également constitué une collection de rosiers botaniques (270 espèces et variétés à ce jour), regroupés selon leur origine géographique au sein d’une quinzaine d’îlots. Cette collection très intéressante a obtenu le label Collection Agréée CCVS Conservatoire des Collections Végétales Spécialisées.
Après un déjeuner convivial organisé par les maîtres de maison, la journée s’est continuée avec la visite de la pépinière Le châtel des vivaces. Celle-ci a été mise à l'honneur au cours des Journées des plantes du Domaine de Courson au printemps 2010 en recevant trois prix venant récompenser à la fois le travail de collection de bambous non traçants et le travail de recherche de la large gamme de plantes vivaces.

Un rosier botanique au jardin ?
Par Patrick Masure, propriétaire de la Javelière

Botanique, jardin botanique, rosier botanique : alignement assommant de plantes disgracieuses rassemblées pour assouvir la curiosité pathologique de quelques maniaques de la classification... Imprégnés de cette idée, avant de parcourir les allées de nos plantations, les visiteurs de notre collection de la Javelière en sortent tout étonnés d’avoir rencontré des plantes étonnamment belles dont la place dans un jardin est amplement méritée. Il est bien cruel de devoir n’en présenter que sept ou huit pour susciter une première adoption ; essayons cependant.

Rosa soulieana Crépin
Originaire de la province chinoise du Sichuan où le père Soulié, missionnaire et botaniste dont elle honore la mémoire, périt en 1905 après avoir été abominablement torturé pendant 10 jours, cette plante vigoureuse se développe sur de longs rameaux d’un beau vert jade mat, les feuilles, petites, composées de 5 à 7 folioles sont de la même couleur, d’un vert clair, teinté de gris. Bien exposée, elle grimpera allègrement jusqu’à 3 ou 4 m. La floraison tardive (juin) est abondante : s’ouvrant sur des boutons jaune, jaillit une cascade de fleurs simples de 2.5 à 3.8 cm, en corymbes, blanc ivoire, sur de grands rameaux arqués. Leur succèdent des fruits globuleux de 1 cm environ, jaune orangé.
L’harmonie des couleurs du feuillage et des fleurs est d’une rare subtilité. Mais attention, la belle se défend par de puissants aiguillons.

Rosa sericea ssp omeiensis f.pteracantha Franch.
Voici un pensionnaire du jardin qui étonnera tous les amis de passage.
Les aiguillons de ce rosier originaire de Chine sont d’une largeur insolite et se développent le long des rameaux.
Sur le bois de l’année, ces aiguillons sont translucides et de couleur rubis. Si la plante est disposée de telle sorte qu’on puisse l’admirer à contre-jour, le spectacle de la lumière traversant ces aiguillons évoque le soleil au travers des vitraux d’une église, les rameaux sont parés de joyaux lumineux et resplendissants ! En y regardant de près, on découvre de nombreux poils rubis, également translucides.
Appartenant au sous-genre des pimpinellifolia, la plante en a le feuillage composé de 11 folioles, petites, vert foncé.
Autre singularité, alors que les fleurs des rosacées présentent, en principe, cinq pétales, notre rosier n’en a le plus souvent que quatre, de couleur blanc crème. Les fruits, rouge écarlate comme de petites cerises, tombent rapidement.
Pour renouveler chaque année l’effet spectaculaire, il faut tailler la plante en mars afin que de jeunes rameaux surgissent de nouveau depuis la base de la plante, car, nul n’est parfait, au bout d’un an, les beaux aiguillons translucides deviennent opaques et virent au brun.

Une star précoce : Rosa primula Boulenger
Il sera un des premiers à colorer le printemps au jardin. Dès le 10-15 avril, Rosa primula se couvre de centaines de fleurs simples, jaune souffre (sur un sujet de 2 ou 3 ans). C’est aussi un pimpinellifolia au feuillage découpé. Les Anglais l’appellent ‘Incense Rose’ en raison de l’odeur d’encens qu’exhale la plante sous les rayons du soleil ; parfum subtil évoquant ces vers de Baudelaire :
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre….

La floraison est suivie d’une fructification tout aussi abondante ; les fruits sphériques sont brun rougeâtre ou marron et tombent assez rapidement.

Elégance, discrétion, perfection : Rosa pendulina pyrenaica Keller
Ce rosier montagnard n’a rien d’une vedette tapageuse, et pourtant quelle élégance ! Floraison précoce rose mat, les fleurs sont joliment réparties sur des rameaux inermes, brun pourpre, arqués qui atteignent facilement 1.8 à 2m. Le feuillage vert mat, parfaitement sain, sert de parure à de jolis fruits de couleur chocolat de 2 à 3 cm pendant sous les branches.
Lors du débourrement, les rameaux sont couverts d’une pruine argentée d’un effet ravissant.
Lors de notre visite, ce rosier a fait l'approbation de tout le groupe.

A adopter au deuxième plan d’une bordure fleurie : Rosa chinensis mutabilis
Il a le port des chinensis : un buisson relativement lâche dont le feuillage n’est pas particulièrement dense mais capable de monter quand même jusqu’à près de 2 mètres suivant la taille qu’on lui réserve. Il possède cette précieuse qualité des chinensis, une remontée régulière lui permettant de se faire admirer jusqu’en octobre.
Pourquoi mutabilis ? parce que ses fleurs simples de 5 à 6 cm présentent une palette de couleurs allant du jaune au rose pâle en passant par différentes nuances de rose saumon, rose cuivré, rose chamois ; en fanant, la fleur vire au rose violacé. Les revers des pétales sont eux-mêmes de couleur variée. Mais comme la floraison est quasiment continue, Rosa chinensis mutabilis offre le spectacle séduisant et durable d’un camaïeu de rose du plus bel effet.

Précieuse et superbe : Rosa laevigata Michx.
Cette plante originaire de l’Asie du Sud-Est doit être installée dans un coin bien protégé des vents froids.
C’est un rosier grimpant, pas très pressé, qui n’a rien à voir avec les vigoureux ‘ramblers’, mais se développera tout doucement réservant chaque année à son heureux possesseur un spectacle de prix ! Le feuillage, semi persistant, composé de 3 folioles légèrement coriaces et vernissées ressemble à celui d’un camélia. La floraison, unique, est un pur joyau : ses larges fleurs soyeuses, aplaties, d’un blanc éclatant adoptent la forme de certaines clématites. L’association avec le feuillage est superbe. Les fruits ovoïdes sont rouge-orangé.
Dans son aire d’origine, la belle est capable de monter jusqu’à 10 mètres ; un tel spectacle mériterait le voyage !

Deux pincées de piment, pour l’amateur de couleurs toniques : Rosa moyesii ‘Geranium’ et Rosa foetida ‘Bicolor’
Le nom de Rosa moyesii ‘Geranium’ parle de lui-même. Les rameaux des moyesii atteignent facilement 2 à 3 m de haut ; ils portent à partir du 15 mai des fleurs simples, écarlates de 5 à 6 cm suivies de séduisants petits cynorrhodons verts en forme de bouteille de 3 à 5 cm.
Quant à Rosa foetida ‘Bicolor’, son parfum n’a rien de fétide mais n’est pas non plus son plus précieux atout. Sa floraison unique, précoce, jaune orangé de la couleur des capucines est extraordinairement lumineuse et apporte une note de gaité incroyable là où la plante est installée.

Dans notre collection de la Javelière, la floraison de ces rosiers et de 250 autres s’étale du 15 avril à la fin juin.
Le "clou" du spectacle se situe entre le 10 et le 25 mai.

Aujourd'hui, par la passion de Patrick Masure, les jardins de la Javelière regroupent près de 850 variétés d'arbres et d'arbustes, 200 variétés de conifères et plus de 600 variétés de rosiers.