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André

L’aventurier botaniste à l’origine du style mixte

Édouard André 
1840 (Bourges) - 1911 (La Croix-en-Touraine)

Né en 1840, Édouard François André est le fils d’un pépiniériste, Charles André. Simultanément à son apprentissage dans l’entreprise horticole familiale, il mène des études classiques berruyères. Il part en 1858 à Angers se perfectionner en arboriculture auprès des pépinières d’André Leroy, puis en botanique auprès du spécialiste Joseph Decaisne au Muséum d’Histoire naturelle de Paris. À 20 ans, il est engagé au Service des promenades et plantations de la Ville de Paris comme jardinier principal. Il intègre l’équipe mise en place par Napoléon III, chargée d’améliorer l’état sanitaire et la vie des parisiens par un réseau de parcs publics et de squares : le préfet Haussmann, l’ingénieur en chef Adolphe Alphand et le paysagiste Jean-Pierre Barrillet-Deschamps. En 1863, il dirige les plantations du parc des Buttes-Chaumont. Fort de ses expériences et auréolé du prestige des transformations parisiennes, il participe en 1867 au concours international lancé par la ville de Liverpool pour l’aménagement du parc Sefton où il obtient le premier prix. Ce coup d’éclat lance sa carrière nationale et internationale d’architecte-paysagiste indépendant. En France, l’ampleur de la demande est immense avec le développement des fortunes industrielles et des pouvoirs des villes. L'expansion des territoires nouvellement accessibles grâce aux chemins de fer et le goût de la villégiature renforcent le nombre des commandes. À l’étranger, il rayonne en Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique, Brésil, Bulgarie, Chine, Espagne, Etats-Unis, Inde, Irlande, Italie, Japon, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Perse, Portugal, Russie, Suisse, Turquie et en Uruguay.
En 1871, Édouard André acquiert une propriété à La Croix-en-Touraine et choisit de partager son activité entre Paris l’hiver et la Touraine à la belle saison. Son jardin est l’occasion de mener différentes expérimentations : acclimatation de plantes rapportées de ses voyages, recherche d’effets paysagers, végétation de rocailles, etc. Édouard André incarne l’engouement de ses contemporains pour un univers végétal exotique. En 1875-1876, il organise une mission d’exploration en Amérique centrale et latine et fait envoyer vers le Museum et d’autres établissements, plus de 4500 plantes vivantes ou sèches. Parmi les échantillons rapportés, l’Anthurium Andreanum récolté en Colombie et baptisé en son honneur, fait sa renommée.

Parallèlement à ses activités de paysagiste et botaniste, Édouard André s’illustre comme écrivain et théoricien en collaborant à la Revue horticole dès 1860, avant d’en devenir rédacteur en chef entre 1870 et 1880. Son œuvre majeure dans ce domaine est L’Art des jardins, Traité général de composition des parcs et jardins, paru en 1879 et largement diffusé. Cet essai destiné aux jeunes professionnels comme aux propriétaires a une forte influence. Il y illustre sa conception par des exemples et des descriptions de parcs et jardins, mais aussi des constructions et accessoires d’utilité et d’ornement.
Nommé professeur d’architecture de jardins à l’école nationale d’horticulture de Versailles en 1892, première chaire officielle pour ce genre d’enseignement, il fonde son cours sur la connaissance des jardins anciens. Selon lui, un paysagiste se doit de connaître les grandes réalisations et les techniques de ses prédécesseurs pour être à la fois un modèle et un contre-exemple.

Édouard André a participé au renouvellement des jardins et de l'horticulture qu'a connu la France dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Il est à l'origine d'un nouveau style de jardins, le style mixte, qui sera largement adopté en France comme à l'étranger jusqu’en 1914 et qui, selon lui, représente l'avenir de l'art des jardins. Les aménagements s’illustrent comme une synthèse entre la tradition classique du jardin régulier aux abords du bâti et l'esprit du jardin paysagé mis en place au fur et à mesure de l’éloignement de la demeure. La période est propice au retour des lignes régulières du style géométrique et symétrique, mais aussi à des innovations grâce aux circulations des idées, hommes et plantes. L’eau dans le jardin revêt également une grande importance pour le paysagiste puisque « les eaux sont l’âme du paysage, elles donnent vie à tout ce qui les entoure. La variété infinie qu’elles présentent nous charme sans cesse »[1].

Précurseur de la profession d’architecte-paysagiste, cette personnalité active entre 1860 et 1905-1906 est reconnue par ses contemporains en étant fait chevalier de la Légion d'honneur en 1889, puis officier de la Légion d'honneur en 1903. Il est également gratifié de nombreuses décorations étrangères. Son Œuvre prolifique, environ 300 parcs créés, modifiés ou projetés en France et à l’étranger, est poursuivie par son fils, René-Édouard André, qui rejoint l’agence familiale fondée en 1890, mais aussi par de nombreux disciples et élèves. L’Association Édouard André s’attache depuis 1994 à rassembler les connaissances et à organiser l’échange entre les gestionnaires, propriétaires et chercheurs pour que leur œuvre soit mieux connue et protégée.

René-Édouard André
1867 (Paris) - 1942 (La Croix-en-Touraine)

Formé à l’École Centrale des arts et manufactures, René-Édouard André suit la carrière que son père souhaite, celle d’un ingénieur. Il participe au développement de l’agence paternelle en France en répondant à des commandes privées et publiques, comme en témoigne l’aménagement du jardin de l’hôtel particulier parisien du couturier Jacques Doucet en 1905 ou encore le plan d’extension d’Angers (réaménagement du Jardin des Plantes en 1920 et réalisation du parc de la Garenne en 1936), mais aussi à l’étranger, comme à Cuba ou en Egypte. Dirigeant sa réflexion sur l’espace public et la santé, il crée par exemple un hôtel thermal entouré d’un parc de style mixte à Longwy entre 1909 et 1913, transforme une forêt en parc de sports pour la ville du Havre et va accompagner les architectes et médecins des sanatoriums du plateau d’Assy en 1925.
Il poursuit le renouveau initié par son père en diffusant le style mixte tout en adaptant ses interventions au lieu. « Le respect du passé sous toutes ses formes nous incite à améliorer sans détruire, à adapter plutôt qu’à bouleverser. Nous utilisons (le style régulier et irrégulier) suivant les circonstances en nous inspirant avant tout du site, sans vouloir forcer la nature ; la mesure, cette qualité que nous revendiquons comme si française, reste le point de départ et le critérium de notre art des jardins ».
En région Centre-Val de Loire, René-Édouard André achète et fait restaurer la Pagode de Chanteloup entre 1908 et 1910.


Sources : 
Florence André, "Édouard André, créateur de jardins en Europe", Actes du colloque l'Esprit des jardins : entre tradition et création, 5-6 sept. 2008, Conseil Général d'Indre-et-Loire. 
Stéphanie de Courtois, "Les Vilmorin et Édouard André", Jardins de France, n°637 - Autour des Vilmorin, SNHF, 2015.
Stéphanie de Courtois, Édouard André, un paysagiste aventurier, exposition de la Mission Val de Loire créée en 2017.
Stéphanie de Courtois, "Édouard André", Dictionnaire critique des Historiens de l'art, INHA, 2020. 

[1] Édouard André, L’art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879. p. 172.

Leurs oeuvres en région Centre-Val de Loire 

Les parcs et jardins réalisés par les André en région Centre-Val de Loire, présentés ci-dessous, ont été listés en 2012 grâce aux correspondants jardins dans les DRAC et à Stéphanie de Courtois, auteur d’une thèse sur Édouard André, et reconnus sur les bases documentaires du ministère de la Culture.


36 - Dpt. Indre - Valençay - Parc du Château de Valençay - 1905-1906 - Édouard André et René-Édouard André - pour le duc de Talleyrand-Valençay (réalisation)
Notice Mérimée [PA00097475] : L'ensemble du parc, des jardins, des cours et des sols (murs de clôture, portails, grilles, pavillons, bassins, escaliers, fossés et ponts) ;

les château, théâtre, ferme, forge, écuries, orangerie, glacière, maison du potager et manège hydraulique sont classés par arrêté du 8 mars 2011.
L’Agence Édouard André et fils intervient au début du XIXe siècle pour aménager l'avant-cour d'honneur, espace clos et engazonné. René-Édouard André exécute les esquisses en 1905, Édouard André signe le projet final en 1906. Leur dessin reprend le vocabulaire des jardins classiques mais exploite le potentiel du terrain en respectant la composition d’ensemble du domaine et en soulignant la double perspective sur le château et le parc [2]
[2] Noémie Malet, Valençay, Un domaine à la recherche de son paysage, Master Jardins historiques, Patrimoine et Paysage de l'ENSAV, 2014-2015.


37 - Dpt. Indre-et-Loire - Cérelles - Parc du Château de Baudry - fin du XIXe siècle - Édouard André - pour le baron Reille (réalisation) 
Notice Mérimée : Classement du parc le 16 février 1942 et inscription des parcelles sur les autres communes voisines par l'arrêté du 14 janvier 2014. 
Propriété de Guillaume Bohier, maire de Tours, en 1529, la demeure a été construite au XVIe siècle sur les vestiges d'un château féodal, et remaniée au XVIIe siècle par la famille Taschereau. Un parc arboré traversé de grandes avenues encadre alors le château tandis qu’au nord et à l’ouest, des aménagements hydrauliques ponctuent la promenade : bassin de Neptune, bassin ovale élargi au XIXe siècle, pièce d'eau à cascade et statues, miroir, canal des deux cascades. Au milieu du XIXe siècle, la famille Reille acquiert le domaine et les descendants l’occupe toujours aujourd’hui. Le paysagiste François Duvillers soumet un plan aux propriétaires qui ne le font pas exécuter.

À la fin du XIXe siècle, ils font appel à Édouard André pour redessiner le parc qui jouit d’une profusion hydraulique, accentuée par le paysagiste : grands tracés réguliers restaurés, agrandissement du miroir, création de perspectives, etc. Des lettres échangées entre les propriétaires et le paysagiste témoignent des travaux d’aménagement (Fond Reille, Archives d’Indre-et-Loire)[3] : 31 juillet 1897 « les travaux du miroir d’eau et le terrassement nord du château sont terminés », 1898-1899 : débat sur la présence d’un escalier simple ou double pour la terrasse donnant sur la pièce de Neptune, réflexion sur le mobilier de jardin (vases, bans, pancartes, barrières, bornes, ponts, kiosques). Louis Decorges intervient en 1905 pour finir les rocailles et les déversoirs de la pièce de Neptune et revient en 1928 pour proposer un parterre au pied de la terrasse nord.[4]
[3] Chistine Toulier, "Édouard André à Baudry", Édouard André, un paysagiste-botaniste sur les chemins du monde, Ed. de l'Imprimeur, 2001, p. 213-220.
[4] Laurence Berluchon, "Jardin classiques et romantiques : Le parc et les canaux de Baudry", Jardins de Touraine, Tours, Arrault et cie maîtres imprimeurs, 1940.


37 - Dpt. Indre-et-Loire - Ballan-Miré - Parc de Bois-Renault - dates inconnues - Édouard André - pour E. Dalloz (réalisation) 
Le parc du château de Bois-Renault à Ballan-Miré est utilisé dans le traité d’Édouard André pour illustrer le respect des éléments paysagers existants, fusionnés avec une création. « Cette réunion, si fréquente dans les parcs anciens où il faut raccorder les parties nouvelles, est plus caractérisée par le plan du parc de Bois-Renault. Un ancien bois, découpé par un grand nombre d’allées, occupait le plateau sableux qui s’étend jusqu’à Ballan. Une partie de ces allées furent bouchées et l’on conserva uniquement celles qui rayonnaient autour du rond-point, destiné à recevoir une volière. […] Devant le château, du côté du bois, un parterre régulier, orné d’un bassin avec vasque au centre, se continua par une grande charmille et fut l’objet de soins particuliers dans son établissement et son entretien. […] Du côté nord, les pentes s’inclinèrent vers la vallée du Cher. Sur les pelouses vallonnées, des vues diverses furent dirigées vers les lointains de la vallée et les coteaux opposés. […] Sur le parcours de l’allée descendant à la pièce d’eau, un belvédère permit d’apercevoir au loin les ruines du vieux château de Luynes. »[5] Dessiné selon le style paysager pour les grandes perspectives et régulier près du château, il est un exemple parfait du style mixte. 
[5] Édouard André, L’art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879. p. 760.

37 - Dpt. Indre-et-Loire - Montlouis-sur-Loire - Parc du château de La Bourdaisière - 1875-1878 - Édouard André - pour le baron Gustave Angellier
Notice Mérimée [PA00097872] : Les communs, les douves, l'ancienne chapelle, le parc avec la porte du 16e siècle sont inscrits par arrêté du 6 mars 1947. 
Les ruines de l’ancienne forteresse des XIIIe et XIVe siècles sont utilisées au XVIe siècle pour sa reconstruction. Vendu comme bien national, les ruines et le domaine furent acquis sous la Restauration par le baron Gustave Angellier qui fait reconstruire le château et aménager le parc. Entre 1875 et 1878, il fait appel à Édouard André qui intervient principalement sur la partie sud du parc. Il crée une vaste pelouse, mise en valeur par de volumineux bosquets aux couleurs variées composés de Cèdres du Liban, Platanes, Pins noirs, Tilleuls et Marronniers. Depuis cette pelouse se développaient deux percées vers la vallée du Cher. L’une au Sud-Ouest, vers l’étang, l’autre vers le Sud-Est. C’est le paysagiste Charles-Louis Dutoit qui fut chargé d’exécuter le plan d’Édouard André. Par ailleurs, à l’est du château, Édouard André dessine une longue terrasse (150 mètres de long), à l’emplacement des anciens jardins du XVIe siècle. Cette terrasse fut agrémentée d’un kiosque octogonal en bois coiffé d’un dôme à l’impériale, situé en son extrémité.

37 - Dpt. Indre-et-Loire - La Croix-en-Touraine - Parc Édouard André - à partir de 1871 - Édouard André - pour le paysagiste et sa famille
Devenue la propriété d’Édouard André en 1871, il y aménage un parc paysager en partie conservé aujourd'hui, et devenu public en 2003, avec un kiosque à musique, une roseraie thématique, un bassin avec des plantes aquatiques, etc. Le site possède la distinction « Maisons des illustres », label obtenu en 2018. « Dans ce parc sans perspective ouverte sur le grand paysage, Édouard André a su ménager des surprises, des découvertes successives tout en utilisant l'art du vallonnement et des modelés avec délicatesse pour animer subtilement l'espace. Il a alterné les vues intérieures et les scènes pittoresques et intimes, offrant selon les heures, ombrage et abri, lumière et repos ; l'ensemble générant un sentiment d'harmonie qui est encore perceptible de nos jours. » Florence André

Plan et vues trouvés dans le traité d'Édouard André, L’art des jardins. Traité général de la composition des parcs et jardins, 1879. p. 340, p. 410 et p. 616.
45 - Dpt. Loiret - La Bussière - Parterre du château de La Bussière - 1911 - René-Édouard André - pour le comte de Chasseval (réalisation)
Notice Mérimée [PA00098726] : La cour des communs, le puits, le plan d'eau, le sol correspondant à l'emprise du parc et du jardin ainsi que leur mur de clôture et les sauts-de-loup sont inscrits par arrêté du 23 novembre 1993. 

Ancienne forteresse médiévale, le château est reconstruit au XVIe siècle par la famille du Tillet. Sous Louis XIV, il est dit qu’André Le Nôtre serait intervenu pour dessiner le parc où l’on reconnait un tracé régulier des allées. En 1814, la propriété est achetée par le comte Alphonse-Gabriel de Chasseval, dont les descendants sont toujours propriétaires, qui fait restaurer le château et aménager les parterres réguliers en 1911 par René-Édouard André.

Pour citer l'article : Charlène Potillion. Édouard André (1840-1911), L’aventurier botaniste à l’origine du style mixte. APJRC. 2023