Contenu

Duvillers

L'exemple de la « jardinique »

François Duvillers 
1801 (Arc-Aisnières, Belgique) - 1887 (Paris)

 

Né le 6 avril 1801, François Duvillers est fils et frère de jardinier. Il commence son enseignement en 1832 par des cours de botanique au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Simultanément, il travaille en tant que jardinier à l’hospice de La Rochefoucauld et à l'Institution des Dames du Sacré-Coeur, ancien hôtel Biron. Adhérent de la Société royale d'horticulture de Paris, il est également membre du comité des plantes d'ornement et du comité de la "formation et composition des jardins" aux côtés de Charles-Frédéric Bühler (jardinier, dessinateur de jardins et oncle des célèbres paysagistes du même nom). Dès 1836, il se déclare entrepreneur et compositeur de jardins. Il épouse Rose Julie Chasseloup en 1841 et apposera ce nom au sien pendant quelques années. Il intervient principalement auprès d’une clientèle bourgeoise qui remarque ses plans présentés dans les expositions horticoles et universelles. Il travaille ponctuellement pour la commande publique en participant en 1867 au concours du parc de Sefton à Liverpool en Angleterre (gagné par Edouard André) et en créant le jardin public de Montélimar entre 1856 et 1858. Certains de ses projets sont imaginés pour des pays étrangers comme la Suisse, la Russie ou encore l'Espagne.
"Rocailleur", "dessinateur", "compositeur", "ordonnateur", "entrepreneur de parcs et jardins", "architecte, ingénieur, paysagiste" sont les corps de métier utilisés pour désigner François Duvillers dans les annuaires professionnels, témoignage du goût de l'époque pour les progrès techniques inhérents à la révolution industrielle.

Le plus souvent, ces créations proposent une réduction du monde et mettent en scène des rocailles, des ruisseaux sinueux, des pièces d’eau agrémentées d’îles à thèmes, un potager, … Les plans effectués par le paysagiste sont facilement identifiables par des tracés rigoureux et des aménagements paysagers récurrents : massifs et parterres en forme de goutte d’eau étirée, alternance de vides et pleins, lieu de repos représenté par un cabinet de verdure, allée courbe simplifiée et tracé hydraulique sophistiqué. Ces dessins sont généralement accompagnés d'une coupe topographique et d’une liste importante d’essences végétales à planter où la priorité est donnée aux arbres de collection. A la lecture de ces descriptifs, la densité de plantations peut sembler excessive et loin de tout réalisme. Passionné par le végétal, le paysagiste s'interroge sur l'utilisation, l'introduction et le statut des plantes, préoccupations perceptibles dans son ouvrage Les Parcs et jardins [1]. François Duvillers a également rédigé des articles publiés dans l’Agriculteur praticien et sa propre bibliographie en 1856 [2].

Peu connu, ses créations paysagères participent à la mode contemporaine pour l'art des jardins. Il est l'exemple privilégié de la "jardinique", terme définit par Viart comme "cet art qui embrasse dans son ensemble toutes les productions de la nature."[3] 


[1] François Duvillers, Les Parcs et jardins, chez l’auteur, Paris, 1871 et 1878, vol. I et II.
[2] François Duvillers, Ouvrages, notices, lettres, chez l'auteur, Paris, 1856.
[3] A. de Viart, Le jardiniste moderne, 2ème édition, Paris 1819, p. 13.

 

Son oeuvre en région Centre-Val de Loire 

18 - Dpt. Cher - Chârost - Parc du Domaine des Cloires - 1868 - pour Claude et Marie Louis Cousin (plan de jardin et réalisation)
Notice Mérimée [PA18000067] : parc paysager, son extension boisée vers le sud, jardin fruitier et potager, l’ensemble des éléments bâtis des aménagements paysagers, la maison d’habitation : inscription par arrêté du 21 décembre 2020.
L'ancienne propriété des Cloîtres relevait sans doute de la communaité de chanoines de l’église Saint-Michel de Charost. La ferme dite, des Cloires, est acquise en 1862 par les Cousin, négociants en vin et vinaigre à Issoudun. La même année, le couple rencontre probablement le paysagiste à l'exposition universelle de 1862 de Londres, évènement où les Cousin et le paysagiste sont exposants, chacun dans leur spécialité. Sur un bâti existant des XVIIIe et XIXe siècles, le couple fait modifier et ériger une maison bourgeoise agrémentée d'une orangerie, d'une serre et de dépendances (étable, maison de gardien, four à pain, etc.). L'achat des parcelles avoisinantes permet d'agrandir la propriété pour y aménager un parc, projet concrétisé en 1868 lorsque les propriétaires chargent François Duvillers d'aménager un parc paysager : « Au bord de l’Auron, sur un point élevé, permettant à la perspective de s’étendre sur de fertiles vallées, M. Cousin a eu la pensée de créer un parc sans diminuer les produits agricoles et d’élever une construction en rapport avec ses goûts et sa fortune. Les projets approuvés, le jardin paysagiste a été planté »1
Le recueil laissé par François Duvillers dresse une liste précise d'essences végétales plantées aux Cloires, précisant parfois l’adaptabilité des plantes à la nature des sols. Le domaine illustre brillamment les caractéristiques de composition paysagère de François Duvillers. Des fabriques ponctuent la promenade : kiosque hexagonal en bois et ardoises, lavoir, embarcadères, « vallons » créés artificiellement, pont romantique, petite maison dans la partie boisée, etc. D'importants travaux de terrassement sont nécessaires pour créer le faux vallon avec le pont rustique, mais aussi la petite maison creusée dans le rocher, « plantée autour trois marronniers d’Inde à doubles fleurs », (dont certains existent toujours). La promenade intègre également des vues sur les parcelles champêtres et viticoles voisines, la vallée de l'Arnon et l'horizon (réflexion décrite dans son recueil).
Les héritiers du couple vendent la maison vers 1900, période où se succède plusieurs propriétaires jusqu'en 1919, année de rachat par la famille Borget d’Issoudun (peintre Auguste Borget, ami de Balzac). La même famille en reste propriétaire jusqu'en 2017, année d'acquisition par les propriétaires actuels qui choisissent d'ouvrir le site à la visite lors des manifestations nationales. 
1 - François Duvillers-Chasseloup : « Parcs et jardins de France exécutés et élevés par François Duvillers-Chasseloup », Paris, 1871, pp.15-16. 

45 - Dpt. Loiret - Saint-Brisson-sur-Loire - Parc du Château de Saint-Brisson - 1864 - pour M. le marquis de Seguier (plan de jardin)
Notice Mérimée [PA00099002] : Parc, terrasses, douves et château : inscription par arrêté du 7 avril 1993.
Si le château est cité dès le XIIe siècle, l'édifice actuel date du XIIIe siècle. Au XVIe siècle, le demaine devient la propriété de la famille Séguier qui abandonne le côté défensif de la forteresse pour la transformer en demeure d’habitation. Ils seront propriétaire du domaine jusqu'en 1902. Abandonné à la Révolution (les archives du site brûlent à cette période), l'ensemble est restauré à partir de 1819. Un plan de François Duvillers daté de 1864 laisse supposer que le paysagiste est intervenu mais il ne reste plus trace de cette réalisation actuellement. Le domaine est légué à la commune en 1987 et ouvre au public. En 1988, l'association des Amis du château de Saint-Brisson est créée pour assurer la sauvegarde et la mise en valeur du château, de ses dépendances et de son parc. En 2015, le site est vendu à la société "Tous Au Château".

 
Pour citer l'article : Charlène Potillion. François Duvillers (1807-1887), L'exemple de la "jardinique". APJRC. 2018