Le 1er juillet 2024
Cette journée était l'occasion de découvrir un arboretum original près du Mans et de retrouver deux jardins précédemment fort appréciés à l’automne, les jardins du manoir de Nuyet et ceux du donjon de Ballon.
L’arboretum de la Grand'Prée
Notre journée commence aux portes du Mans, non loin du circuit des fameuses 24h. L'arboretum de la Grand'Prée est situé au lieu-dit Le Tertre Rouge, près du massif forestier de la Grande Sapinière. Commencé en 1989 par Robert Menu, il se compose d'environ 3000 arbres et arbustes du monde entier et porte aussi le nom de « bizaretum », en raison de l'originalité de certains des végétaux.
Nous sommes reçus par François Menu, fils des créateurs de l'arboretum, qui a succédé à ses parents dans la gestion et l'animation du site s'étendant aujourd’hui sur 5 hectares. Notre guide nous présente la morphologie du terrain. Un ruisseau, «les Epinettes», traverse l’arboretum. A l’origine, le terrain était humide et envahi de joncs. Aujourd’hui, une partie reste humide mais certaines parcelles de terrain sont plus sèches ce qui explique la grande diversité des végétaux plantés. Le sol sableux et à tendance acide a permis l’acclimatation de nombreux arbres de collection dont certains sont des espèces peu communes.
Nous découvrons Kalopanax septemlobus, originaire de l'Est de l'Asie. Les branches et le tronc sont épineux puis le tronc perd ses épines en grossissant. Les feuilles mesurent entre 10 et 35 cm de large et sont caduques, avec 7 lobes, comme le nom l’indique.
Près de l’eau, protégé et à mi-ombre, se développe un rare Glochidion ferdinandi, offert par Franklin Picard de l’APBF. Originaire de l’est de l’Australie, dans les forêts, cette espèce dioïque assez frileuse semble trouver ici, dans le sol argileux et sableux, un terrain favorable. François Menu attend la floraison et surtout la fructification, un petit fruit en forme de citrouille, d'abord vert avant de virer au blanc et au rose. Divisé en segments dans le sens radial, il finit par se fendre pour donner des graines rouge vif de 5 mm de novembre à avril.
Un peu plus loin, une mare à l’eau particulièrement claire - nous apprenons que c’est l’eau d’une source – est entourée d’une collection de Taxodium. Un Castanopsis cuspidata est en observation. Ce bel arbre au feuillage persistant, que l’on voit souvent dans les parcs au Japon, se caractérise par une floraison impressionnante composée de longs chatons pendants blancs. Il est actuellement testé par les services de l’ONF pour remplacer les hêtres dans les futures plantations forestières.
Dans l’arboretum, les sujets sont plantés par collections ; une collection de Zanthoxyllum jouxte la collection d’érables. Le long de la rivière ont été plantés de nombreux hydrangéas, certains dont le bleu prononcé des inflorescences démontre l’acidité du sol.
François Menu est intarissable sur ses arbres et ses arbustes, s’arrêtant devant chaque pied, qu’il agrémente d’une histoire toujours personnelle.
Nous terminons notre visite par la zone des Fagacées, chères à Robert Menu, le créateur de cet endroit rare. Il faudrait plus d’une journée pour découvrir toutes les collections de l’arboretum. Les Menu ne se considèrent pas comme des botanistes mais comme des dendrologues amoureux et curieux. Ils observent leurs plantes et savent choisir avec soin l’emplacement de chaque nouvel arrivant. La frénésie d’achat est toujours présente, nous avons remarqué au loin une grande parcelle de terrain plantée des dernières acquisitions. À voir une prochaine fois…
François Menu, collectionneur passionné, guide notre groupe dans l’arboretum
Au premier plan, un Picea brachytyla, originaire de Chine et du nord-est de l'Inde. Aujourd’hui, ce pin est menacé par la perte de son habitat naturel. Les naturalistes chinois se renseignent auprès collectionneurs européens afin d’obtenir des boutures.
Dans la zone des chênes, un bel exemplaire de Quercus calliprinos, originaire de Chypre, décoratif par son port arrondi.
L’Eucommia ulmoïdes (genre monospécifique) contient une gomme très utilisée en Asie, il est appelé arbre à latex. La feuille est reconnaissable lorsque l’on essaie de la déchirer.
Une fleur de magnolia bien intéressante…
Les jardins du manoir du Nuyet
Une quinzaine de kms plus tard, nous atteignons Savigny-Lévêque et les jardins du manoir du Nuyet. Nous retrouvons Bernard Artru et son épouse, qui nous avaient si aimablement accueillis à l’automne dernier.
En 2005, les propriétaires sont tombés sous le charme de cette « maison de campagne », à l’origine bâtie au XVe siècle. La maison a évolué entre le XVIIe et le XVIIIe avec différents agrandissements. La façade du XVIIIe siècle donne sur une grande cour, l’entrée est magnifiée par un ensemble de Trachelospermum jasminoides, en fleurs lors de notre visite. De grands communs témoignent de la vocation agricole du domaine. Une chapelle complète l’ensemble.
Un déjeuner champêtre nous attend dans la grande cour des dépendances. À l’ombre d’un pin parasol, nous partageons un moment convivial.
Le temps passe toujours trop vite… Nous tenons à refaire un tour des jardins avant de quitter nos chers hôtes.
Derrière la maison, les propriétaires ont installé une roseraie – roses modernes colorées- où la famille aime se retrouver en fin de journée.
Au cours des années, différents espaces se sont organisés dans l’ancien grand potager, aujourd’hui divisé en chambres de verdures délimitées par des haies de charmes taillés : un jardin d’inspiration orientale présentant des sujets taillés en nuages et des topiaires, un potager agrémenté de plantes de couleurs différentes chaque année et un jardin de graminées avec des formes et des textures différentes.
Près de la chapelle, un figuier taillé en nuage.
Donjon et jardins de Ballon
Construit au XIe siècle sur un éperon rocheux, le Donjon de Ballon, surnommé la "Porte du Maine" a été du XIe au XIIIe siècle l'enjeu de nombreuses batailles entre Anglo-Normands et Français. Guillaume le Conquérant, Philippe Auguste se battent pour le conquérir. Il faut attendre la fin de la guerre de Cent ans pour que Ballon soit définitivement rattaché à la France par les compagnons de Jeanne d'Arc. À la Renaissance, perdant une partie de son côté défensif, la façade se pare de fenêtres extérieures au XVIe siècle,
La position de forteresse militaire très stratégique, posée sur cet éperon rocheux, calcaire, fait de Ballon un lieu unique. Une vue panoramique exceptionnelle porte sur le pays du Saosnois et, à l’horizon, sur les forêts du parc Normandie-Maine. Le château, classé Monument historique, se présente aujourd’hui sous la forme d’un donjon entouré d’une enceinte et de fossés.
Comprendre le site permet de mieux comprendre le jardin. C’est ce que nous explique Virginie Guéroult, propriétaire du site avec son mari Emmanuel, fils de Jean et Béatrice Guéroult. Ce sont ces derniers qui reprennent Ballon dans les années 1960. Le domaine étant alors abandonné, ils dessinent – assistés du paysagiste Alain Richert - le jardin clos médiéval qui se trouve au pied du donjon et réaménagent peu à peu le reste des jardins, à partir d’une structure forte et de passages réfléchis.
Le Donjon de Ballon est entouré de jardins d'inspiration médiévale et Renaissance présentant des collections d'arbres fruitiers botaniques, roses anciennes, clématites, pivoines, viburnums… Les jardins sont classés "Jardin remarquable". Virginie Guéroult sera notre guide durant toute la visite.
Dès l’entrée, une allée bordée de tilleuls est délimitée à gauche par des arbustes taillés et à droite par des massifs de vivaces et d’arbustes, une collection de Rubus, des chèvrefeuilles arbustifs… De cet espace ombragé, nous arrivons à un espace ouvert donnant sur l’entrée du Donjon. La cour des lions doit son nom aux deux lions de pierre situés devant le pont-levis. Elle est bordée d’arbres et d’arbustes, dont certains peu rustiques comme Maytenus boaria ou Feijoa sellowiana, en fleurs.
A droite du pont-levis, un tunnel étonnant formé de hêtres taillés débouche sur le grand paysage. L’effet est grandiose ! La motte féodale est transformée en verger de fruitiers botaniques, bordés de santolines grises ou vertes. Ces arbres poussent, malgré le sol pauvre et rocailleux. C’est difficile… nous confie notre guide.
La roseraie s’organise autour de charmes taillés en pyramide ou en triangle. Elle est composée essentiellement de roses anciennes, de clématites, de pivoines et de vivaces et est bordée d’un mur de rosiers grimpants.
Le dernier jardin à visiter est en fait le premier créé. Il se situe devant le donjon et est clos de murs. Jean Guéroult commence par dessiner quatre carrés de buis puis peaufine et complexifie le dessin géométrique afin de donner à l’ensemble une impression de symétrie alors que la cour n’est pas carrée… La création est belle et la structure très forte. Entre ces motifs sont plantés des roses anciennes, des plantes aromatiques, médicinales et tinctoriales. Un escalier de bois récemment créé permet d’accéder à une ancienne tour de guet, arasée. De là, on découvre le grand paysage et une vue plongeante sur le jardin clos et le raffinement du dessin des parterres.
Face au Donjon imposant et à la grandeur du paysage, le lieu requiert une simplicité. Jean Guéroult l’a très bien compris et a su manier avec dextérité la connaissance du Genius loci et la finesse des plantations simples mais élégantes et souvent sophistiquées. Ses enfants respectent ce choix et contribuent à entretenir ces jardins afin que Ballon reste un endroit privilégié et serein, dans l’esprit de son créateur.
Michèle Quentin
Face au Donjon, un rare et beau sujet de Maytenus boaria, de la famille des Célastracées, originaire du Chili. Les feuilles sont étroitement lancéolées, de 5 cm de long, d'un vert moyen brillant sur le dessus et plus pâle en dessous. Fleurs blanc verdâtre, petites et discrètes, nombreuses, portées à l'aisselle des feuilles au printemps et parfumées.
Couvert et découvert… Un tunnel sinueux de hêtres taillés permet d’accéder au verger de fruitiers botaniques.
Discussion animée avec le jardinier dans la roseraie.
Le jardin clos, premier jardin de Jean Guéroult, présente un dessin géométrique complexe.
Virginie Guéroult nous montre le jardin clos vu du haut. En arrière-plan, le grand paysage.