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Decorges

L’application du style mixte en Touraine par l’architecte-paysagiste proche de la nature

Louis Decorges 
1872 (Genève, Suisse) - 1940 (Tours)

Issu d’une famille de jardiniers d'origine française, Louis Decorges quitte la Suisse pour parcourir l’Europe et faire des stages pour se perfectionner dans la technique horticole : Allemagne, Angleterre, Belgique et Hollande. Il arrive en France vers 1893 et travaille un an dans un établissement horticole à Neuilly-sur-Seine. Il rencontre à Paris l'architecte-paysagiste, Henri Martinet, et en trois ans, passe de disciple à associé. Louis Decorges s'installe à Tours en 1897 et reprend à 25 ans l'ancienne maison Chevallier, "dessinateur de parcs et jardins", initialement destinée à Henri Martinet, qui recommande son élève comme successeur, déjà présent sur place en qualité de représentant. Rue Jules Charpentier, Louis Decorges installe son agence et son domicile. Il possède également deux terrains à Tours qui lui sert de pépinières. Plus tard, la « Villa Gentiana », maison de campagne qu’il achète à Saint-Symphorien, lui donne l’occasion d’aménager selon son savoir-faire et ses goûts le jardin comme vitrine d’exposition ouvert au public. En Touraine, l’architecte-paysagiste répond aux commandes privées des châteaux et organise des expositions horticoles et des floralies. Son activité s’étend aux départements du Cher et de l’Eure-et-Loir, mais aussi dans le sud de la France avec la création en 1900 d’une antenne secondaire à Pau d’où il rayonne. Son fils René nait la même année. Formé très tôt à l'entreprise de son père qu’il rejoint vers 1920, René signe ses réalisations à partir de 1930. L’entreprise « Louis Decorges et fils » possède la triple compétence d’ « Architecte paysagiste, Horticulteur, Pépiniériste » et une devise publicitaire : « Pour avoir un beau jardin, (si modeste soit-il), Bien dessiné et bien planté, Adressez-vous à … ». Leur démarche professionnelle s’illustre par un relevé minutieux de l’état des lieux pour lequel ils s’investissent personnellement sur le terrain tout au long du projet : relevé des niveaux, bâtiments existants, arbres intéressants à conserver, massifs et points d’eaux, … Sur le fond de plan établi, Louis Decorges dessine une ébauche de projet au crayon gras, la version définitive présentée au client étant tracée avec une mise en couleur parfois aquarellée.[1] 
Président de la Société Tourangelle d’Horticulture après en avoir été membre puis bibliothécaire, fait Chevalier de la légion d’honneur en 1936, Louis Decorges a connu une célébrité locale. Son fils reprend l’entreprise à son décès et poursuit la création de jardins dans le même style jusqu’à sa mort en 1958.

Louis Decorges est l’un des représentants en France du style mixte : les abords de l’habitation comprenant terrasses, parterres et bassins sont traités par des formes géométriques tandis que le caractère paysager, bien souvent déjà présent en raison de son apogée antérieure, est préservé au lointain, la transition entre les deux styles se faisant par une douce progression. Cette évolution de l’art des jardins s’explique aussi par un souci économique : une petite partie du jardin est transformée en jardin « décoratif » tandis que le reste du jardin ou du parc, traitée de façon paysagère, demande moins d’entretien.
Si le paysagiste respecte la mode mixte, des caractéristiques récurrentes se retrouvent dans les jardins de châteaux ou villas, historiques ou modernes, telles :
- les tracés classiques de parterres devant la façade principale remplis de gazon ou d’eau, entourés de passe-pieds ou plates-bandes et agrémentés de décors floraux en coquilles palmées et volutes, statues et buis taillés,
- l’insertion fréquente de l’eau, qu’elle soit présente naturellement dans le paysage ou qu’elle participe à des agencements hydrauliques,
- les constructions rustiques.
Louis Decorges ajoute sa touche personnelle paysagère et insère de nouveaux éléments dans l’aménagement des jardins. De ses origines suisses, il gardé un attrait pour les plantes vivaces de la montagne et transpose l’atmosphère des jardins alpins grâce à la rocaille. L’intérêt accru de la société pour le sport facilite l’introduction de terrains de jeux et de sports comme le tennis ou la pétanque dans la « décoration » des jardins.

Sources : 
M. Grand, « L’Art des parcs et jardins. Les établissements L. Decorges et fils, architectes paysagistes à Tours et à Pau. Liste des créations ou restaurations réalisées par M. Decorges », dans Revue Géographique et industrielle de France, 26e année, n°87, 1930, pp. 1166-1168.
Sophie Le Berre, "Louis Decorges", Vouvray Patrimoine2016.
Juliette Meudec, « Parcs et jardins du XIXe siècle en Indre-et-Loire : du 'parc agricole' au 'jardin de style' », Actes du Colloque L'Esprit des jardins : entre tradition et création, 5-6 sept. 2008, Conseil Général d'Indre-et-Loire. 

[1] Corinne Larsabal, Louis Decorges : paysagiste du début du siècle (1872-1940) vie et oeuvre en région tourangelle, mémoire sous la dir. de Daniel Rabreau, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 1993. 

Leurs oeuvres en région Centre-Val de Loire 

Sur les parcs et jardins réalisés par l'entreprise Decorges en région Centre-Val de Loire, seuls les exemples manifestes les plus détaillés sont présentés ci-dessous. La liste complète de ses interventions est communiquée en fin de page.

37 - Dpt. Indre-et-Loire - Amboise - Jardin de l'Hôtel de Joyeuse - 1911 - pour M. Charpentier (réalisation)
Notice Mérimée [PA00097512] : Hôtel inscrit par arrêté du 29 octobre 1941.
Après un incendie, l'hôtel particullier du XVIe siècle est entièrement restauré au XIXe siècle par Ruprich-Robert. Lorsque M. Charpentier acquiert la demeure en 1900, le jardin est à l'abandon. Après des fouilles menées par le propriétaire révélant les différents niveaux du jardin dont le tracé de compartiments et d'allées, ainsi qu'un bassin, celui-ci fait appel à Louis Decorges pour créer un jardin sur un ensemble disparu. Le résultat mêle des éléments d'esprit Renaissance (tonnelle de charmille, pavillon de charpente, dessin des compartiments) et des goûts contemporains comme les coquilles fleuries et le choix des végétaux. Louis Decorges créé une harmonie colorée et décorative en respectant la herarchisation des espaces autour du bâti. 

Voir le plan et la photo ci-contre, d'après "Conception du jardin par les jardinistes contemporains", la vie à la campagne, 15 Mars 1914, vol. XV, n°180, p.161 et p.159.

37 - Dpt. Indre-et-Loire - Azay-le-Rideau - Parc du Château d'Azay-le-Rideau - 1926-1958 - pour l'Etat (réalisation)
Notice Mérimée [PA00097546] : Le château, son parc et ses dépendances sont classés par journal officiel du 18 avril 1914. 
Le château est édifié pour Gilles Berthelot de 1518 à 1527 sur une construction plus ancienne. Restauré au XIXe siècle, le château est acquis par l'Etat le 11 août 1905. Louis Decorges en est l'architecte-paysagiste attitré depuis 1926, en raison de sa proximité avec Henri Martinet, dont le père était alors le jardinier du site. Il y travaille jusqu’à sa mort et son fils René reprit sa fonction après lui. Un devis de 1930 prévoit les travaux et fournitures à effectuer pour l’aménagement de plusieurs parties du parc : une salle de jeux pour les enfants dans la partie du parc située derrière l’église, un massif d’arbustes le long de l’Indre pour maquer les habitations et des plates-bandes situées de chaque côté de l’avant-cour, de l’avenue principale et aux abords du château.

37 - Dpt. Indre-et-Loire - Montlouis-sur-Loire - parc du Château de La Bourdaisière - 1928-1933 - pour M. le comte des Monstiers (réalisation)
Notice Mérimée [PA00097872] : Les communs, les douves, l'ancienne chapelle et le parc avec la porte du 16e siècle sont inscrits par arrêté du 6 mars 1947.
Le château Renaissance est bâti en 1520 sur une forterresse des XIII-XIVe siècles. Vendu comme bien nationalle domaine est acquis sous la Restauration par le Baron Angellier qui fait reconstruire le château. Dans les jardins, la création la plus marquante du début du XXe siècle est le dessin d’un grand parterre devant la façade sud du château réalisé par Louis Decorges. Dans un premier temps, il fait déblayer les douves comblées presque 100 ans auparavant, à l’intérieur desquelles il dessine une allée bordée de buis taillés en boule, encore visible aujourd’hui. Les même boules de buis sont installées de part de d’autre de « l’allée italienne » afin de la mettre en valeur. La terrasse est redessinée, dans un style plus sobre, avec des boulingrins encadrés de buis taillés en boules. Dans un second temps, il crée un immense parterre en forme de fleur de lys, à l’emplacement des anciens jardins bas du XVIIe siècle. Pour cela, l’orangerie est détruite afin de laisser place à un grand escalier à double volée reliant la terrasse au nouveau parterre. Ce parterre, qui représente une fleur de lys stylisée se composait, lors de sa création, de volutes et arabesques en plates-bandes et massifs plantés de fleurs multicolores, surlignées de bordures de buis, et ponctuées de cône et boules de buis. Sur les côtés, d’autres boules de buis venaient encadrer la large allée qui entourait le parterre.

37 - Dpt. Indre-et-Loire - Rochecorbon - Jardin des Roches - 1911 - pour M. E. Brédif (réalisation)
En conservant les arbres existants, Louis Decorges crée un jardin pittoresque (sa typologie paysagère préférée pour des nouvelles constructions) autour de la villa construite la même année par l'architecte Wielhorski. Au pied de la falaise jaillit une source qui est utilisée pour aménager une scène rustique avec de la rocaille. Le contraste entre la petite nappe d'eau et le fleuve majestueux inspire le plan : l'oeil confond le luisant de la pièce d'eau et le miroitement de la Loire. Il choisit des plantes vivaces, saxatiles et aquatiques qui parent de fleurs et de couleurs le jardin d'avril à novembre.
Voir le plan ci-contre de la villa des Roches, d'après "Conception du jardin par les jardinistes contemporains", La vie à la campagne, 15 Mars 1914, vol.XV, n°180, p.181.

















18 - Dpt. Cher :
Nohant-en-Gracey : parc de Longchamp, M. Fernand Bonnasseau

28 - Dpt. Eure-et-Loir :
Emance : parc du château de Sauvage, M. Jules Picot

37 - Dpt. Indre-et-Loire :
Amboise, jardin de l’Hôtel de Joyeuse, M. Charpentier, 1911
Amboise, jardin des Minimes, Mme la Baronne Barbier
Athée, M. Bernardi
Autrèche, Parc du château, Mme la Vicomtesse de Bigori
Azay-le-Rideau : parc du Gerfault, M. le comte Jean de Sabran Pontèves,  env. 1909
Azay-le-Rideau :  parc du Plessis, Mme Cahen d’Anvers
Azay-le-Rideau : parc du château d’Azay-le-Rideau 
Azay-sur-Cher, Leugny, Mme Darasse
Azay-sur-Indre : parc d'Azay sur Indre, M. Grafton, 12929
Cérelles : parc de Ia Chesnaye, M. Lièvre, guerre de 1914-1918
Château-Renault : parc de Bellevue-Cottage, M. Placide Peltereau
Cinq-Mars-la-Pile : parc de MontfIeuri, M. le Vicomte du Soulier
Joué-Lès-Tours : parc de la Bouchardière, M. Vaillant
Joué-Lès-Tours : parc de Chérizy, Mme Sagot
Lussault, parc de la Roche Taillée, M. Richard
Monnaie : parc du Mortier, M. le Vicomte Général de la Panouse
Monts : parc de Candé à M. Chas. E. Bedeaux
Montlouis-sur-Loire, parc de la Bourdaisière, M. le comte des Monstiers, en. 1925
Montlouis-sur-Loire, jardin des Roches, Clos-Sabot, M. Ax2los
Nouzilly : parc de I’Orfraisière, Mme de Wendel, 1913
Pont-de-Ruan :  parc de Méré, M. Sandoz
Richelieu : Jardin du château de Richelieu
Rochecorbon, jardin des Roches, M. E. Brédif, 1911
Rochecorbon, parc du domaine de Sens, M. André Salmon
Saché : parc de Valesnes, M. Paul Métadier, 1925
Saché : parc de la Chevrière, M. le comte de Montlivault
Saint-Avertin : parc de Cangé, M. le comte de Pourtalès
Saint-Cyr : parc de Vau-Ardeau, Mme Alphen
Saint-Cyr : parc de la Dorissière, M. Pémartin
Saint-Cyr : parc de Beauvoir, M. Bigot
Saint-Cyr : parc de Sainte Marie, M. Lefèvre
Saint-Symphorien : Jardin de Roseval, M. Chamiot
Saint-Symphorien : parc de la Bretêche aux Sœurs de la Présentation
Saint-Symphorien : Jardin de la  villa « Gentiana », M. Louis Decorges, commencé vers 1914
Saint-Symphorien : Jardin fruitier du Centre Expérimental d’Arboriculture Fruitière de l’Indre-et-Loire
Semblançay : parc de la Source, M. L. Rénier
Souvigné : parc de la Rochedain, M. Démogé, 1910
Tours : parc municipal de Grand-Mont (stade)
Tours : plan du parc du château de Grammont
Tours : Golf CIub de Tours, 1910
Tours : Jardin de la Préfecture
Tours : cloître moderne de l’Hôtel de l’Univers
Tours : Jardin rue Néricault-Destouches, M. Barbier
Tours : Jardin rue Origet, M. A.rrault
Tours : Jardin 53 boulevard Heurteloup, Mme. Henri Bourdais
Tours : Jardin de la propriété de l’Economie Française
Truyes, parc de Bel Air, M. Oudin, en 1922
Veigné : parc de Couzières
Véretz, parc, Mme Drake del Castillo